Gouverner par les lettres n’est pas un mode d’exercice du pouvoir caractéristique des mondes anciens et les périodes ultérieures, jusqu’au vingt et unième siècle débutant, ont été marquées par l’importance de l’écrit dans la pratique gouvernementale. Informer, renseigner, négocier, conseiller, décider, recommander, nommer, sont autant d’attributs du pouvoir conféré par les lettres. Le pari de ce volume, qui réunit des historiens de différentes périodes et des spécialistes de littérature n’est pas de vouloir gommer ces différences. Il s’agit plutôt de se demander si elles ne pourraient pas, sur certains points, être transcendées. Avec comme objectif de sortir l’histoire politique d’une spécialisation et d’une fragmentation qui lui sont largement préjudiciables et de l’inscrire dans le temps long.
Les correspondances mobilisées par les contributeurs sont de nature différente : correspondance administrative, correspondance diplomatique, lettres de recommandation. Considérées sur le double registre des discours formulés et des pratiques générées, elles renseignent sur l’efficacité de la correspondance administrative comme moyen de contrôle sur des représentants de l’État éloignés. Les lettres de recommandation offrent également un remarquable poste d’observation. Elles questionnent dans la durée sur les jeux d’influence réciproques qu’exercent les auteurs de telles correspondances dont l’histoire de l’usage comme de la perception a considérablement évolué depuis l’Antiquité. Si elle s’avère normale, voire nécessaire, pour obtenir un privilège ou une fonction, dans une société où la prégnance des liens verticaux et du patronage demeure fondamentale, elle est dans bien des sociétés à l’époque contemporaine considérée comme une marque de faveur déplacée et dénoncée au nom de la morale politique.