Germanisation, partition ou autonomie ? Les projets de l'Allemagne impériale pour l'Alsace-Lorraine 1914-1918
par Joseph Schmauch
Éditions des Paraiges
Qu'adviendra-t-il de l'Alsace-Lorraine à l'issue d'une paix victorieuse ? Derrière cette question méconnue, couverte par le son du canon et tapie derrière l'unité d'un jeune Empire allemand confronté à son baptême du feu, se joue l'avenir des territoires sur le Rhin, acquis dans le cadre du traité de Francfort. L'Alsace-Lorraine, conquête commune des États allemands coalisés dans le cadre de la guerre franco-allemande, constitue-t-elle le ciment de l'empire ou une épine dans le pied du colosse germanique ?
Le gouvernement allemand, à l'instar des cabinets ministériels français, se préoccupe du sort à donner à l'Alsace-Lorraine dès les premiers mois de la guerre. Les interrogations portent sur le rôle de l'organisation constitutionnelle du Reichsland dans l'émergence d'une personnalité spécifique, perçue, depuis Berlin, comme essentiellement francophile, même si la réalité est plus complexe. Ces réflexions font écho aux débats qui, en 1911, ont précédé l'octroi d'une constitution, un texte de compromis entre partisans d'une Alsace-Lorraine autonome et défenseurs d'une germanisation accrue. Malgré le vote de ce texte, l'Alsace-Lorraine n'a pas accédé au statut d'État fédéré et est restée dépendante de la bureaucratie berlinoise.
En 1914, l'Allemagne constitue un empire fédéral, État constitutionnel au parlementarisme inabouti, tandis que la France se présente sous la forme d'une république parlementaire mais centralisée. L'étude des projets échafaudés à propos de l'Alsace-Lorraine permet de pénétrer les rouages du fédéralisme germanique, le sujet prêtant à débats politiques à Berlin comme à Munich, à Stuttgart ou à Dresde. Comment concilier les intérêts divergents d'États pré-unitaires, qui combattent ensemble un ennemi commun, mais n'en oublient pas pour autant leurs intérêts propres ? Quels enjeux en termes de politique intérieure et internationale présentent les travaux sur le statut futur de l'Alsace-Lorraine ? Quels points de convergence avec les réflexions françaises offrent-elles ?