"Loger et déloger l'armée" au fil des siècles

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Appel à communication

Date du colloque : 27 et 28 mars 2024 à Nancy (uniquement en présentiel)

Réfléchir sur « loger et déloger l’armée » nous invite à nous questionner, de manière large, sur l’aménagement du territoire par le fait militaire dans le temps. De manière simple, nous pouvons appréhender cette notion « comme une action sur l’espace et sur le temps » (Desjardins, 2021) qui conduit à organiser spécifiquement un territoire, une ville, ses périphéries, ses quartiers...

Cette acception pose, en creux, la double échelle sur laquelle se place l’aménagement et l’organisation du territoire en général et, de manière spécifique, l’aménagement par l’armée. Ainsi, cette action territorialisée s’inscrit dans un temps plus ou moins long, en lien avec la notion cumulative d’empilement et de surmilitarisation. En effet, pour répondre à ses missions de défense du territoire et de projection en cas de conflit, l’armée a généré  des aménagements tout à fait particuliers au fil des siècles : lignes de défense (Séré de Rivières, ligne Maginot, mur alpin, etc.), forts, casernements, infrastructures logistiques, bases aériennes, le tout-venant généralement s’intriquer d’une part avec l’urbain existant et, d’autre part, se superposer avec des aménagements militaires antérieurs, en générant parfois de nouveaux espaces urbains . Le cas de Metz, au sein de la région Grand Est en est un bon exemple. La ville connaît, à partir du XVIe siècle, un phénomène de « déploiement et d’empilement militaire » (Mathis et Mathis, 2014) et devient une cité contrainte par le fait militaire, avec la complexité supplémentaire qu’elle a changé plusieurs fois de souveraineté entre France et Allemagne. Ville de la frontière, elle a concentré les infrastructures pour accueillir les déploiements régimentaires. Comme de nombreuses villes européennes (Dresde, Strasbourg, Mayence, Liège, Anvers, Udine, Vérone, Karlsborg, Stockholm, etc.), l’armée a façonné un complexe militaro-urbain spécifique en créant de vastes quartiers pour se loger. Cependant ces hyper-lieux de la militarisation s’inscrivent dans un vaste maillage, souvent hérité de systèmes fortifiés de défense, de camps retranchés, de villes de garnison, de casernements de sûreté et de camps militaires. Les villes de Sarrelouis ou de Neuf-Brisach montrent, comme d’autres villes neuves, le poids et le rôle de l’armée dans ces espaces urbains mixtes, dédiés au militaire et à la vie civile.  

Les refontes successives de la carte militaire au cours des trente dernières années et leurs conséquences territoriales ont impacté les villes de garnison en accélérant le processus de démilitarisation. Ces restructurations ont laissé et laissent des traces (Veschambre, 2008) ou des vestiges hérités qui n’ont pas été valorisés, mais dont les transformations et les mutations récentes ou à venir, dans un dessein global de contraction de la spatialité militaire, amènent à des reconversions parfois très différenciées.  Dès lors, en cas d’abandon de ces territoires par l’armée, le « temps de la friche » (Ambrosino et Andres, 2008) fait son œuvre avec des temporalités plus ou moins longues, entre abandon, enfrichement, temps de l’après-friche et temps de la friche reconvertie (Lotz-Coll, 2018). La difficulté supplémentaire liée au fait militaire est la question de la mémoire, qui peut être, à certains égards, douloureuse voire conflictuelle : « le terrain de la mémoire, présent en premier lieu dans la notion de patrimoine, apparaît comme un champ de bataille idéologique entre différents modèles et projets de société » (Ginet et Wiesztort, 2013). Ici, la question du réemploi symbolique et fonctionnel est posée