Webinaire "Crises politiques et discontinuité documentaire"

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Colloque/Journée d'étude
Deux lundis par mois, de 17h30 à 19h
Visioconférence
affiche webinaire

 

Webinaire organisé par Élisa Mantienne, Jonathan Pezzetta (CRULH, Université de Lorraine) et Amicie Pélissié (LIENSS, Université de La Rochelle).

Au Moyen Âge et à l’époque moderne, les crises politiques sont-elles des moments de rupture ou des vecteurs de renforcement des pratiques documentaires ? Face à l’atypique dans la documentation, à partir de quel moment l’historien doit-il suspecter une situation de crise dans le passé ?

L’enjeu de ce webinaire était le lien entre les pratiques documentaires et des situations de gouvernement hors norme. « Phase aiguë d’une maladie », étymologiquement, la crise est entendue ici comme un dérèglement, une situation de trouble caractérisée par une forme d’intensité et de limite dans le temps. Sa dimension de paroxysme donne à voir des phénomènes autrement invisibles. Dans le champ du politique au sens large, c’est-à-dire dans tous les aspects de la vie en communauté, elle inclut les situations de régence ou de guerre, les changements de régime, mais aussi les conflits entre communautés locales, les révoltes, les famines, les hérésies, etc. Pour l’historien, le lien entre ces situations de crise et les pratiques documentaires est fondamental, soit que l’on se place à partir de l’irrégularité de sources, soit que l’on se place à partir de la crise politique. Ce sont ces deux dimensions que propose à la réflexion cette série de webinaires, en se concentrant sur les sources manuscrites des époques médiévales et modernes. 

 « L’effet de sources » est une invocation connue des médiévistes et des modernistes, un de ces tours de la documentation dont on apprend à se méfier face à un phénomène de discontinuité documentaire. Les sources sont notre premier lien tangible avec un phénomène du passé, la base de la reconstitution des systèmes politiques, sociaux, et idéologiques disparus. Leur exploitation fonde des disciplines à part entière : diplomatique, paléographie, archivistique, codicologie, qui ont en commun la recherche de la norme et de l’atypique. Les manuels de diplomatique ou de paléographie donnent des modèles, dressent des formulaires, et apprennent à déceler la routine dans les écrits du passé. Paradoxalement, cette approche est souvent dépassée par la confrontation au modèle d’une source nouvelle, atypique par son contexte de production, son format, ou encore sa visée. Ainsi, le formalisme des lettres patentes rédigées selon un modèle bien réglé, vole en éclat quand on constate une irrégularité dans la titulature d’un prince, ou dans l’ordre des destinataires. Se pose alors à l’historien la question du rapport entre représentativité et singularité. Dans quelle mesure une irrégularité documentaire est-elle le signal d’une situation de rupture, dans le contexte de production de la source ? Comment passer de l’accident documentaire à l’accident politique ? 

De même, les situations de crise politique incitent l’historien à chercher dans les sources une matérialisation de phénomènes de rupture connus au niveau de la grande histoire. L’instabilité politique, économique ou sociale peut avoir des conséquences sur la production et la conservation des archives. Elle peut également rejaillir sur des pratiques documentaires aux échelons inférieurs, tout comme ces derniers peuvent ne pas être impactés du tout par les turbulences au sommet. Dans ce cas, la continuité documentaire judiciaire ou administrative, dans un contexte politique troublé, devient un phénomène historique à part entière. Plus encore, la rupture politique peut donner lieu à l’innovation documentaire et il faut ensuite se poser la question du devenir de ces innovations nées de la crise, dans le temps long. 

Le webinaire a été l’occasion de présenter une réflexion sur le lien entre discontinuité documentaire et dérèglement de la vie en communauté humaine. Quel lien de cause à effet existe-t-il entre ces deux phénomènes ? Que signifie, pour l’historien habitué à penser en scansions chronologiques, le constat d’une continuité, voire d’une créativité documentaire, là où la crise politique semble à son apogée ? 

Les contributions se sont concentrées sur les sources écrites des époques médiévale et moderne, parce que ces deux époques présentent des spécificités communes de production, de classement et de conservation, reflétant ce « long Moyen Âge » que Jacques Le Goff voyait courir jusqu’aux années 1750-1800.

Contact crisespolitiques [at] hotmail.com

Support : Teams

Informations et liens des conférences : https://crisesdoc.hypotheses.org/