La construction des inégalités au Canada (17e – 19e siècles) : Étude de la reproduction familiale, de la mobilité sociale et des élites seigneuriales au sein de la famille Drapeau

BERGERON-GAUTHIER Raphaël
Directeur / directrice de thèse
Date de soutenance
Membres du jury CRULH
Membres du jury hors CRULH
GRENIER Benoît, Université de Sherbrooke
HUDON Christine, Université de Sherbrooke
RUGGIU François-Joseph, Sorbonne Université
THUOT Jean-René, Université du Québec
Lieu de la soutenance
Université de Sherbrooke, Canada

Cette thèse propose une analyse des rapports qui existent entre les mécanismes de la reproduction familiale, la mobilité sociale ascendante et descendante, la formation des élites et, ultimement, la construction des inégalités au Canada entre le XVIIe et le XIXe siècle. À partir d’une étude longitudinale de cinq générations de la famille Drapeau établie dans la société de la vallée du Saint-Laurent, laquelle s’articule autour d’une enquête prosopographique portant sur un corpus de 630 personnes, cette recherche met en lumière les dynamiques différenciées qui structurent les trajectoires individuelles et familiales dans une société coloniale majoritairement agraire, soumise à des mutations juridiques, économiques et politiques majeures, notamment à la suite du changement de régime de 1763. Cette étude s’inscrit dans le sillage des travaux du projet conjoint d’histoire des sociétés rurales françaises et québécoises en s’intéressant à la construction des inégalités internes au sein d’un même lignage dans une perspective intergénérationnelle et intragénérationnelle. Elle mobilise une approche multiscalaire en articulant les échelles micro (individus), méso (cellules familiales) et macro (branches, lignées, lignage et société) entre elles. Les dimensions démographiques, géographiques, économiques, sociales, juridiques et culturelles sont au cœur de cette analyse longitudinale, et servent de fondement à la détection des permanences, des écarts et des ruptures. À l’origine de cette réflexion se trouve un constat : si Joseph Drapeau (1752-1810), riche négociant, propriétaire du plus vaste ensemble seigneurial jamais détenu par un laïc canadien, homme politique et figure de l’élite, incarne une trajectoire d’ascension remarquable, il ne saurait être analysé isolément. Son parcours, tout comme celui de ses filles les « Dames Drapeau » ou de ses nombreux collatéraux, prend sens dans une analyse comparative des trajectoires individuelles et familiales. En effet, au sein de ce même lignage issu d’Antoine Drapeau et de Charlotte Joly – deux colons roturiers d’origine française établis dans la vallée laurentienne dans les années 1660 et formant le couple fondateur du lignage Drapeau au Canada –, la très grande majorité des descendants ont perpétué, génération après génération, un mode de vie ancré dans la ruralité et le travail de la terre. Tandis que quelques individus accèdent aux sommets de la hiérarchie sociale, la vaste majorité reproduit une position au sein de la paysannerie canadienne. C’est dans cet écart fondamental que réside l’un des intérêts centraux de cette thèse : comprendre comment, au sein d’un même lignage familial, des trajectoires aussi contrastées ont pu se développer, et quelles dynamiques de reproduction familiale permettent d’expliquer ces différenciations profondes. Plutôt que de retracer uniquement l’ascension d’un individu ou d’une cellule familiale, cette étude se concentre sur un groupe familial complet sur plus de deux siècles et demi, apportant ainsi une contribution à l’histoire sociale du Québec et du Canada préindustriels, à la compréhension du devenir des élites coloniales, et à l’étude de la stratification au sein des communautés rurales. Mots clés : Québec, Canada, XVIIe siècle, XVIIIe siècle, XIXe siècle, famille, inégalités, élites, bourgeoisie, noblesse, marchand, régime seigneurial, seigneurs, seigneuresses, pouvoir féminin, mobilité sociale, reproduction familiale, transmission, paysannerie, Coutume de Paris, féodalisme, capitalisme, société coloniale, éducation, distinction, alliances et stratégies.