Entre une historiographie excessivement « pessimiste », mettant l’accent sur la dépendance des épouses à l’égard de leurs compagnons, ainsi que sur la nature d’abord conflictuelle de leur relation, et une historiographie exagérément « optimiste », montrant des relations harmonieuses, fondées sur la complémentarité dans le travail et une moindre propension à la violence, une voie moyenne s’est peu à peu dégagée. L’espace domestique pouvait être successivement un lieu de collaboration, d’entente, d’affrontement et de réconciliation. La thématique de la trahison, plutôt négligée par les historiens, a été dilatée dans ce volume à tout un ensemble de comportements que l’on qualifiera ici de simplement défaillants. Les défaillances dont il est question dans ce volume, présentent toutefois une gravité particulière et un caractère dissimulé qui autorisent et justifient même un rapprochement avec la trahison. C’est de la tromperie aggravée, du manquement à la foi donnée, dont il sera question ici, de ses causes, manifestations et effets, au sein de la sphère familiale.
De ces soustractions et défections, la première partie du présent volume offre un échantillon diversifié, mettant l’accent sur le déshonneur sexuel. Le rétablissement de l’ordre bafoué par une épouse infidèle ou rebelle passait par l’exercice d’une violence domestique mesurée, exercée discrètement et sans « scandale », d’une façon qui préservât l’autorité du chef de famille. La seconde partie délaisse le sujet des défaillances individuelles et de leur sanction pour celui, postérieur chronologiquement, du rétablissement symbolique de l’ordre familial sous les auspices du lignage et de l’État. De la coupe sociale ici effectuée, dans les élites plutôt que dans les strates sociales inférieures et intermédiaires, on ne saurait prétendre avoir extrait plus que quelques figures de la trahison, de ses effets dévastateurs, en termes de patrimoine et de réputation. Au-delà des serments, de la foi jurée, de la parole donnée, c’est l’immense chantier de la confiance que nous espérons avoir ici entrouvert.