Gouverner par les lettres, de l'Antiquité à l'époque contemporaine
Dans l’Antiquité, une importance fondamentale est accordée à la correspondance en tant qu’un des moyens de diffuser des ordres du centre vers la périphérie de l’empire romain, et ce en dépit des distances considérables à parcourir et de la durée de transmission des instructions. Gouverner par les lettres n’est pas un mode d’exercice du pouvoir caractéristique des mondes anciens. Les périodes ultérieures, jusqu’au vingt et unième siècle débutant, ont été marquées par l’importance de l’écrit dans la pratique gouvernementale.
Les différences paraissent à première vue évidentes entre les périodes et les régimes considérés et il peut paraître hasardeux d’envisager un tel colloque. Le pari proposé est non pas de vouloir gommer ces différences mais de se demander si elles ne pourraient pas, sur certains points, être transcendées. Il s’agirait de contribuer ainsi à sortir l’histoire politique d’une spécialisation et d’une fragmentation qui lui sont largement préjudiciables et de l’inscrire dans le temps long.
Les correspondances mobilisées seront de nature différente : correspondance administrative, correspondance diplomatique, lettres de recommandation. L’objectif sera de considérer ces écrits sur le double registre des discours et des pratiques. Eu égard à la relation entre centre et périphérie, il faudra s’interroger sur l’efficacité de la correspondance administrative comme moyen de contrôle sûr des représentants de l’État éloignés. De fait, la correspondance administrative comme moyen de gouverner à distance pose un certain nombre de problèmes, à commencer par son efficacité (exécution des ordres transmis, moyens de contrôle mis en place afin de vérifier la bonne application des instructions). Une étude stylistique pourra permettre aussi de montrer comment la rédaction même des lettres envoyées par l’autorité prend en compte les nécessités qu’implique un gouvernement à distance.
Les lettres de recommandation offrent aussi un remarquable poste d’observation. Ainsi, il conviendra de s’interroger, dans la durée, sur les jeux d’influence réciproques qu’exercent les auteurs des correspondances : les lettres de recommandation peuvent-elles se prévaloir d’une réelle efficacité, et si oui, à quelles périodes et sur la base de quels critères ? L’histoire de cette pratique, de son usage comme de sa perception, pourra être utilement revisitée dans cette perspective. Dans l’Antiquité, elle s’avère absolument normale, voire nécessaire, pour obtenir un privilège ou une fonction, dans une société où la prégnance des liens verticaux et du patronage demeure fondamentale. Aujourd’hui, sans que la pratique ait disparu, elle est considérée comme une marque de faveur déplacée et dénoncée au nom de la morale politique.
L’objectif des organisateurs a été d’éviter un danger d’éparpillement et de déséquilibre entre les périodes. Il s'agissait par conséquent d’organiser des sessions transversales et thématiques dans lesquelles chacune des périodes a été représentée. Quatre entrées ont été privilégiées : Informer/renseigner/négocier ; Recommander/nommer ; Conseiller ; Décider.