Si la transgression se rencontre dans l’historiographie, elle n’a cependant jamais donné lieu à une véritable théorisation. C’est l’objet de cette thèse d’en dresser une définition qui en fait la contestation d’une loi en appui sur une volonté, la conscience d’une possible sanction, la projection d’un au-delà normatif et une capacité de nuisance contre l’autorité. La validité du concept a été éprouvée en le confrontant aux rapports de police quotidiens rédigés dans le Nancy occupé de 1940 à 1944. L’objectif est d’étudier comment la transgression se transforme en un phénomène d’envergure au point d’apparaitre comme une nouvelle normalité. Dans un premier temps, l’analyse des conditions de la déviance dresse l’état des lieux d’une société provinciale en temps de guerre et les mutations physiques et humaines du territoire urbain. Les champs de la transgression dévoilent, ensuite, le caractère protéiforme de la désobéissance au niveau politique, des opinions, de la violence, de l’économie, des mœurs, des mobilités, des identités et des attitudes. On y croise à la fois les phénomènes de collaboration, de Résistance, de déportation, les comportements journaliers de survie aussi bien que les imaginaires et les représentations. Enfin, l’analyse approche le transgresseur à hauteur d’homme pour dresser une sociologie du crime, construire le portrait-type du déviant et approcher des figures singulières de résistants, de Justes, ou de conformiste critique. Au final, les 1550 jours d’occupation plongent Nancy dans un hors-temps où l’« a-normal » est la règle. L’angle de la transgression permet de comprendre les stratégies mises en œuvre par le corps social pour tenter de s’y adapter.