Le département de la Meuse constitue un cadre d'étude favorable aux communautés rurales, car il est essentiellement rural, politiquement stable et économiquement agricole. Les communautés rurales de 1880 à 1914 ne sont pas figées. Malgré leurs attachements au territoire ,la tradition ne les empêche pas d'évoluer. Elles se transforment progressivement par la synthèse d'éléments issus de la tradition et de facteurs liés au contexte économique, politique, social et culturel qui se modifie. Elles ne sont ni réfractaires au progrès ni passéistes. Les structures sociales, économiques et politiques se renouvellent même si des permanences demeurent. L'endettement chronique et le fort encadrement administratif les empêchent d'aboutir dans leurs mues bien plus que la tradition. La guerre au-delà du bilan humain, matériel, économique et financier désastreux,permet de les faire évoluer. Le département devient une terre de guerre. Les paysages, les patrimoines et les ressources sont bouleversés et métamorphosés. Des mesures exceptionnelles sont mises en place pour permettre la survie des groupes humains. Les rapports sociaux sont modifiés. Les civils découvrent l'altérité par le biais des troupes en cantonnements. Dans de nombreux villages, les populations sont soumises aux exactions ennemies, aux pillages et aux violences. La guerre induit pour d'autres l'exil forcé face à la dangerosité des bombardements. La figure du réfugié meusien émerge. À l'armistice, la situation géographique, économique et humaine, après le constat des destructions, rend le système d'avant-guerre obsolète . La loi de réparation des dommages de guerre offre un espoir de relèvement, grâce au principe de solidarité du peuple français devant les dévastations et le paiement des dommages de guerre par l'ennemi. L'effort de reconstitution du patrimoine, mais aussi des groupes humains est important, tant les bilans des destructions sont conséquents amplifiés par le caractère aléatoire des bombardements. Les années de reconstruction, sont une période charnière qui permet de faire la jonction entre les bases de l'organisation traditionnelle jugée archaïque et des éléments plus novateurs,des adaptations, l'acclimatation des pratiques découvertes durant le conflit, qui enrichissent les identités des communautés rurales.Les populations sinistrées apprennent à faire valoir leurs droits. Les sphères d'influence se modifient, la place et le rôle traditionnel du curé ,puis de l'instituteur, évoluent, alors que le caractère individualiste et renfermé s'estompe au profit des solidarités naissantes.L'argent apparaît être autant le nerf de la reconstruction qu'il a été celui de la guerre. Les coopératives de reconstruction sont particulièrement actives dans l'œuvre de relèvement. La reconstruction devient un moyen de moderniser et de rationaliser les communes rurales, cependant un décalage entre leurs volontés et les moyens qui leurs sont donnés ou délégués, limitent les évolutions. L'endettement chronique reste un obstacle qui freine les évolutions. Le territoire se mémorialise et les ''lieux de mémoire'' entrent en considération dans le système de reconnaissance de ces dernières, qui en font le symbole du sacrifice de leurs enfants morts pour la France et de leurs capacités de relèvement, alors que les politiques commencent à détourner les sentiments, les intentions et les célébrations pour les amener dans la sphère de l'instrumentalisation et des dérives commémoratives.