Depuis les travaux fondateurs d’Emmanuel Le Roy Ladurie et de Pierre Alexandre – pour se limiter au contexte français – le climat n’est définitivement plus considéré dans un cadre déterministe comme une cause première imprimant sa marque sur les sociétés humaines, mais comme une contrainte qui leur pose des problèmes et qui nécessite de la part de celles-ci de mettre en place diverses stratégies pour s’en affranchir ou s’y adapter. Ces stratégies dépendent de paramètres purement sociaux, culturels, politiques et économiques.
La notion de vulnérabilité est au cœur de l’enquête. Ce terme, polysémique, désigne à la fois les impacts des phénomènes naturels – climatiques dans cette recherche – sur une société, ainsi que la capacité de résilience de celle-ci, c’est-à-dire son aptitude à prévoir, anticiper ou sortir d’une crise particulière, qu’elle soit de courte ou de longue durée. La mesure des impacts s’intéresse principalement aux paramètres socioéconomiques, alors que la capacité de résilience dépend directement des moyens techniques, des mesures politiques mais également des représentations culturelles. Existe-t-il une « culture du risque » permettant d’éclairer ces mécanismes ?
Le corpus documentaire messin est exceptionnel pour mener cette enquête : les sources narratives sont nombreuses et embrassent sans discontinuités majeures une large fourchette chronologique couvrant les XIVe-XVIe siècles. Ce riche fonds est croisé avec les importantes collections d’archives conservées dans les dépôts régionaux et locaux. Le Pays messin constitue donc un choix de premier ordre pour envisager une histoire du climat à l’échelle locale.
Cette période est marquée par le Petit Âge Glaciaire. Cette expression, qui a fait florès, ne doit pas être confondue et comprise comme une nouvelle période glaciaire, mais comme une période d’avancée soutenue des grands glaciers, tout au moins ceux d’Europe occidentale. Cette phase débuterait au début du XIVe siècle pour prendre fin vers 1860. Ces caractéristiques sont toutefois l’objet de vives discussions, principalement parce que la plupart des études sur l’histoire du climat concernent les 500 dernières années. La pénurie documentaire rend en effet difficile toute étude antérieure. Ce n’est pas le cas pour l’espace messin, qui permet d’envisager localement l’analyse du début – mal connu – du Petit Âge Glaciaire, de la vulnérabilité éventuelle de cet État urbain aux variations climatiques, ainsi que de l’existence d’une « culture du risque » relative au climat et à ses désordres.