Cette thèse de doctorat porte sur l’Elucidarium d’Honorius Augustodunensis († ca. 1150), un ouvrage théologique rédigé à l’extrême fin du XIe siècle qui a rencontré un très grand succès dans tout l’Occident médiéval, dès sa rédaction jusqu’à l’apparition d’imprimerie et même au-delà. L’Elucidarium n’étant pas inconnu de l’historiographie, la connaissance de cette œuvre souffre du clivage des différentes oppositions historiographiques. Ce clivage entre la culture « érudite » et « vulgaire », mais aussi la division entre le cloître et l’école urbaine, la distinction, entre, d’une part, les analyses doctrinales sur l’Elucidarium, et, de l’autre, les études textuelles et les études de la réception, et, enfin, l’opposition entre l’histoire des traditions vernaculaires de ce texte et les enquêtes sur sa version originale en latin rendent notre connaissance de ce texte fragmentaire. Le but de la présente recherche est de mettre un terme à ces divisions et de déterminer le vrai périmètre de l’histoire de l’Elucidarium dans l’Occident latin, de sa rédaction jusqu’à l’époque de l’imprimerie. C’est seulement la mise en correspondance systématique de toutes les interprétations et observations existantes avec les données fournies par les témoignages manuscrits, par les anciens catalogues, les traces de lectures et par les ouvrages inspirés par le texte, qui permet d’écrire une histoire totale de l’Elucidarium, de réévaluer cette œuvre au succès remarquable, afin de nuancer l’appréciation qui était jusque-là la sienne, et la rendre plus juste. Les résultats atteints dans cette thèse sont présentés en trois parties. La première, consacrée à l’auteur et à son ouvrage, vise, au cours de ses trois chapitres, à inventorier de manière critique les reconstructions du parcours d’Honorius, mais aussi à réévaluer le contenu doctrinal de l’Elucidarium, son plan, sa structure et leur lien inséparable avec la forme littéraire choisie par Honorius. Le but principal d’un tel aperçu est d’interpréter de nouveau ce qu’Honorius voulait atteindre dans son ouvrage et quelle fonction il prévoyait pour son texte. Les deux chapitres de la partie suivante tracent la première réception du texte pendant le premier siècle suivant sa rédaction. En documentant la diffusion du texte, nous avons pu non seulement émettre une nouvelle hypothèse sur le lieu et les circonstances de la rédaction de l’Elucidarium, mais aussi voir comment s’étendait le fonctionnement du texte et comment ses usages ont changé, à travers l’histoire de la réception, par rapport à ceux qui avaient été conçus par Honorius. Enfin, dans la troisième partie, la postérité de l’Elucidarium est analysée. Au terme du premier siècle de son histoire, aux environs du XIIIe siècle, le texte a pénétré dans de nombreux milieux, intellectuels et sociaux ; il a inspiré ou a été une source pour plusieurs ouvrages, aussi bien en latin qu’en vernaculaire. Tout cela a non seulement enrichi l’« album des lectures » du texte, mais a aussi changé la façon dont il était de plus en plus utilisé. Cependant, il n’a jamais été seulement un usuel. Contrairement aux vues par trop présentes dans l’historiographie, le tableau de sa réception est, à tout moment, beaucoup plus riche et complexe.