L'espace lotharingien, entre le XVIe et le XVIIIe siècle, se trouve dans une position particulière et complexe. Cerné par deux puissants voisins, le Duché de Lorraine est soumis à leurs intrusions et à leurs ponctions territoriales, qui ne laissent guère de doutes sur leur volonté ultime : l'incorporer à leur propre domaine. « Zone tampon », il est aussi, tout au long de la période, un lieu de conflit, renforcé par le manque de lisibilité d'une frontière fluctuante. En 1766, la Lorraine est finalement rattachée à la France, dont le royaume s'étend désormais jusqu'au Rhin. Cette situation se traduit par une forte présence militaire, qu'il s'agisse de soldats en casernement ou de troupes de passage, et par autant de traces laissées dans les espaces urbains et dans les paysages. La Lorraine se caractérise par la présence de plusieurs villes de garnison. Dans ces villes, l'empreinte militaire s'inscrit à la fois dans le patrimoine bâti et dans la mémoire collective. À l'exemple de Verdun, la mise en défense modèle la ville, autour du développement de fortifications, de casernes, d'espaces d'entraînement, de magasins, d'écuries... Dans les paysages, on peut retrouver la trace de combats, des lignes de fortifications, et le marquage même de la frontière. À partir du patrimoine militaire que nous a laissé cette période, il s'agit d'étudier la façon dont cette histoire s'est construite : traces tangibles, au travers des bâtiments ; empreintes mémorielles ; stabilisation d'une frontière marquée sur le terrain et visible sur les cartes.