Notre thèse, qui a pu être réalisée grâce au soutien du Fonds national de la Recherche du Luxembourg et qui s’est faite dans le cadre du projet de recherche « Partizip 2 » de l’Université du Luxembourg (partizip.uni.lu) et en cotutelle avec l’Université de Lorraine, est une analyse de la mémoire de la « Résistance » depuis 1944 à 2017 par le biais d’une histoire comparée des associations d’anciens résistants du Luxembourg, de l’Alsace, de la Moselle et de la Belgique de l’Est. Il s’agit des territoires, qui, lorsque les Allemands lancent leur offensive à partir du 10 mai 1940 en Europe de l’Ouest, sont annexés (de fait) au IIIe Reich. Au cours de notre recherche, nous avons pu constater d’importantes asymétries entre ces territoires au niveau des médias mémoriels présents, comme les monuments, les musées ou les statuts juridiques en hommage aux anciens résistants. Si au Luxembourg la mémoire de la « Résistance » est plus développée par rapport aux régions françaises et belges, cela s’explique du fait qu’elle a évolué dans un contexte national « homogène ». En effet, les Alsaciens, Mosellans et Belges de l’Est doivent situer leur passé régional particulier dans un paysage mémoriel national qui s’articule autour de l’occupation et où le contexte spécifique de l’annexion (de fait) est peu connu. Or, les asymétries mémorielles n’apparaissent pas seulement entre l’État luxembourgeois et les régions françaises et belges, mais également entre les régions mêmes. Si l’explication de la différence entre échelles nationales et régionales est pertinente lorsque nous comparons le Luxembourg et les régions françaises et belges, elle ne permet pourtant pas de comprendre les variations mémorielles entre ces régions. Quelles sont donc les raisons de ces asymétries mémorielles ? Ou autrement formulé : quels facteurs favorisent l’intensification de la mémoire de la « Résistance » ? Afin de déterminer ces facteurs, nous avons choisi d’effectuer une histoire comparée des associations d’anciens résistants du Luxembourg, de l’Alsace, de la Moselle et de la Belgique de l’Est, qui sont des acteurs de mémoire décisifs puisque souvent à l’origine des médias mémoriels que nous venons d’évoquer. Cette démarche nous a permis de mettre en évidence des clés d’interprétation qu’une étude isolée de chaque espace en question ne rendrait pas visible. Au cours de notre recherche, nous avons déterminé plusieurs facteurs qui peuvent favoriser l’intensification de la mémoire de la « Résistance » : la coordination efficace des projets collectifs des associations d’anciens résistants par le biais d’une organisation unique ou d’un porte-parole commun, les concurrences mémorielles et la participation politique qui incitent les associations d’anciens résistants à se mobiliser, favorisant ainsi l’émergence de médias mémoriels de la « Résistance » et finalement le développement des associations d’anciens résistants et de leurs médias mémoriels dans le contexte de la globalisation de la mémoire. Ces facteurs, qui sont intrinsèquement liés et qu’il faut ainsi concevoir dans une perspective dynamique et interdépendante, sont présentés dans les chapitres de notre analyse empirique, qui est agencée en trois parties. Une première partie se consacre à l’émergence des associations d’anciens résistants et à leurs activités liées à l’immédiat après-guerre dans le contexte du rapatriement et de l’entraide, de l’épuration et de la reconstruction. Un deuxième chapitre analyse les enjeux des concurrences mémorielles autour de la reconnaissance ainsi que de la participation politique dans la vie associative des anciens résistants. Une troisième et dernière partie aborde finalement le travail de mémoire des associations d’anciens résistants entre commémoration et médiation historique dans le contexte de la globalisation de la mémoire.