Ce travail s'inscrit au croisement de l'Histoire matérielle et de l'Histoire de l'individu mais emprunte également à la sociologie et à l'ethnologie en plaçant les objets de la piété privée au cœur d'une réflexion sur les pratiques religieuses et culturelles des populations catholiques dans le royaume de France (extensions Outre-Atlantique comprises) jusqu'à l'Édit de Fontainebleau. C'est à la fin du XVe siècle que ces objets commencent à pénétrer l'espace privé des croyants, un processus qui s'accélère au siècle suivant avec l'affirmation de la Réforme protestante et la mise en œuvre de la Réforme Catholique. L'étude de leurs conditions de fabrication et de diffusion montre tout d'abord combien ils sont faciles à se procurer. Accessibles à toutes les bourses, ils font partie de l'univers familier et quotidien des fidèles. C'est leur mode d'appropriation qui transcende cette relative banalité. Ainsi, en tant que signe identitaire, ils participent à la représentation de soi : enjeux de la revendication patriotique lors des périodes de troubles politiques, ils jouent également un rôle important dans la mise en place de stratégies de distinction sociale et religieuse. Signes de reconnaissance et facteurs de cohésion d'une société catholique ébranlée par la Réforme, ces objets constituent enfin, et avant tout, des supports de prière par lesquels, sous l'impulsion des clercs, le fidèle parvient à domestiquer le sacré pour établir une relation intime avec Dieu. Ces pratiques personnelles, parfois déviantes, soulignent le rôle de l'objet comme agent de la construction de l'identité individuelle à l'époque moderne, lequel dépasse largement le cadre strict de la sphère religieuse.