Hagiographie, culture et société en Occident à la fin du Moyen Age

Nom du garant ou garante
VINCENT Catherine
Date de soutenance
Membres du jury hors CRULH
DEMOUY Patrick
GEORGE Philippe
MATZ Jean-Michel
CORBET Patrick
LACHAUD Frédérique
Lieu de la soutenance
Nancy

L'Habilitation à diriger les recherches se compose d'un mémoire de synthèse, d'un recueil de 27 articles regroupés en 4 thèmes (Abbayes et prieurés, éducation et culturel, culte des saints et pèlerinage, la Lorraine et son histoire) et d'un mémoire inédit "Par la roue de Sainte Catherine. Dévôts, pélerins et pélerinages à Sainte Catherine d'Alexandrie (VIIIe-XVIe siècle)".

Le mémoire inédit porte sur les dévots et les pèlerinages envers l’une des saintes les plus vénérées à la fin du Moyen Âge. Voix de Jeanne d’Arc, vierge martyre du IVe siècle, dont les textes hagiographiques sont empreints de légendaires, Catherine d’Alexandrie est en effet connue par son mariage mystique avec le Christ, la confrontation victorieuse avec les philosophes païens, le supplice des roues et le transport de son corps au Sinaï.

Le mémoire retrace d’abord les étapes de la diffusion du culte dans la chrétienté latine. Apparu modestement, dans la péninsule italique aux VIIIe siècles il débute réellement en Occident au milieu du XIe siècle avec l’arrivée de reliques à Rouen et la diffusion de textes hagiographiques grâce aux bénédictins, aux chanoines réguliers et aux maîtres des écoles urbaines. Le XIIIe siècle constitue une étape déterminante : le culte se répand dans l’ensemble de l’Occident par les dominicains, l’image de la sainte se dote d’attributs spécifiques (livre, épée et roue) et sa légende s’étoffe de nouveaux épisodes : naissance chypriote, « cousinage » de l’empereur Constantin, conversion et mariage mystique. Ces deux thèmes, promis à un grand succès, lui ont conféré une position éminente dans la hiérarchie céleste en la faisant entrer dans le cercle prestigieux des intimes du Christ et de la Vierge Marie. Elle est aussi associée à saint Nicolas dont elle constitue un pendant féminin et, en territoire germanique, à la cohorte des 14 saints auxiliaires, en particulier deux autres vierges martyres, Barbe et Marguerite.  Mais le véritable succès date des XIVe et XVe siècles avec un renforcement des dédicaces en Europe centrale et méridionale, ainsi que la multiplication de récits de miracles et des représentations iconographiques.

Le mémoire s’attarde ensuite sur des dévots de la sainte qui a des affinités avec une élite intellectuelle (bénédictins, dominicains, gradués des universités et humanistes) et sociale (haut clergé, rois, princes, patriciens). Même si elle a su toucher d’autres milieux : femmes, marchands sillonnant et artisans utilisant une roue, mais aussi paysans, malades, prisonniers et enfants. Profondément ancré dans l’espace, son culte s’exprime dans de nombreux sanctuaires dont le plus prestigieux est le monastère Sainte-Catherine du Sinaï. Pourtant situé en territoire musulman, il accueille l’élite de la société occidentale comme l’a fait ressortir un fichier prosopographique inédit de 512 pèlerins joint en annexe. Associé à la Terre sainte, il en devient un prolongement et constitue « un pèlerinage dans le pèlerinage », pour lequel les fidèles n’hésitent pas à braver les dangers du désert. Mais à partir du XIVe siècle, Alexandrie, Chypre ; Rhodes,  Malte et Bethléem ont pris le relais en Orient. Plus d’une trentaine de sanctuaires se sont également constitués en Occident pour accueillir des milieux plus variés, à partir de reliques et sur le modèle du Sinaï, important une topographie orientale en Occident. Une typologie de sites catheriniens a été établie, depuis les plus importants (Rouen en Normandie, Fierbois en Touraine), en passant par des sanctuaires à l’échelle d’une région ou d’une ville, jusqu’aux petits sanctuaires littoraux, fluviaux ou d’altitude.

Par son extraordinaire popularité, sainte Catherine donne des clés pour comprendre le culte des saints à veille de la Réforme protestante et montre que ceux des premiers siècles tiennent encore une place importante. Elle constitue enfin un passionnant témoignage des relations entre Orient et Occident à la fin du Moyen Âge et même jusqu’à nos jours comme le retrace rapidement un épilogue.