Cette étude des relations entre la France et la Serbie repose sur l’évolution de la diplomatie, tant dans sa pratique que sur les objets de mission des diplomates. La période, de 1871 à 1914, est celle de la transformation industrielle de l’Europe. Il s’agit pour les diplomates de prendre en compte les enjeux nouveaux de ce monde en construction, tout en adaptant leurs pratiques professionnelles. Ainsi, sur le plan des communications, l’accélération de la transmission de l’information est un élément significatif, qui permet aux diplomates d’être rapidement mis au courant des ordres émanant de leurs ministères mais qui accroît aussi le contrôle des légations. La France et la Serbie sont deux États en recherche de reconnaissance internationale en 1871 : la première, sortie vaincue de la guerre franco-prussienne, cherche à retrouver un statut de puissance dans le concert des nations. Les années 1870 sont, pour la Serbie, celles qui voient aboutir sa quête d’indépendance : il faut à la principauté des appuis politiques et économiques afin d’achever sa construction nationale. La république et le royaume (à partir de 1882) s’engagent dans des projets communs à de nombreux États européens, comme la construction de voies de chemin de fer, l’ouverture des États aux capitaux étrangers… Si des affinités de personnes sont réelles, notamment après le coup d’État de 1903 et l’arrivée au pouvoir en Serbie d’un roi francophile, les attentes politiques et économiques ne sont pas de même ordre. Les années 1900 voient les liens franco-serbes s’intensifier, notamment autour de l’alliance commune avec la Russie. L’Europe abandonne peu à peu l’idée de concert des nations pour celle des alliances. L’analyse des archives des Affaires étrangères, du Service historique de la Défense ou du ministère des Finances permet d’observer les missions attribuées par Paris aux diplomates en mission à Belgrade. Elle permet également d’observer les rapports entretenus par les représentants des États européens dans la capitale serbe : les concurrences économiques et les enjeux politiques sont étroitement liés dans la pratique quotidienne de ces diplomates.