L'espace mosellan est foncièrement germanique, considéré comme une émanation directe des Grandes Invasions d'où serait issue une Lorraine coupée en deux, germanique - donc franque - d'un côté et romane de l'autre, ayant conservé les traditions du Bas-Empire, le tout séparé par une frontière linguistique. Cette image, directement issue de l'historiographie d'outre-Rhin du XIXe siècle, a toujours force de loi, en Lorraine comme ailleurs, en dépit des progrès de la recherche. Le but de ma thèse est de démontrer que ces théories, forgées en fait sur des critères essentiellement toponymiques, ne reposent sur aucun fondement scientifique réel et ne peuvent résister aux avancées de la recherche moderne, notamment archéologiques. Elle s'articule en trois parties : 1 : Adapter l'espace mosellan au panorama général de l'historiographie moderne. Étudier cet ensemble de l'intérieur, non plus en fonction de pseudo-invasions extérieures mais comme une entité propre. Aborder la frontière linguistique sur des critères objectifs et non plus théoriques. Abandonner le mythe « franc » au profit de la réalité de l'ethnogenèse. Appréhender la réalité archéologique de la Gaule Belgique au Bas-Empire. 2 : Passer du mythe historiographique à la réalité du terrain. Par l'étude de l'occupation du sol au haut Moyen Âge sur des critères archéologiques : implantation des nécropoles mérovingiennes, données les plus récentes quant à la langue « francique » et la toponymie mosellane. Il en résulte une inadéquation totale entre les théories classiques et la réalité, où la romanité s'avère omniprésente. 3 : Redonner à l'espace mosellan une cohérence historique. Dans un tel contexte de pérennité antique, l'organisation du territoire n'a pu que se maintenir: par l'intermédiaire des cadastres et du système fiscal, automatiquement relayés par la toponymie. Elle-même n'a pu qu'être profondément remaniée par les réformes territoriales du Bas-Empire. L?ensemble était encore lisible dans le paysage régional jusqu'à la Révolution, par le biais des structures du diocèse de Metz, héritier direct de la cité des Médiomatriques, dont la frontière linguistique n'a fait que reprendre fidèlement le tracé. On découvre un espace bilingue, au sein duquel la toponymie régionale apparaît clairement comme un héritage de l'administration gallo-romaine et non pas comme la conséquence d'invasions ; elle a été organisée en secteurs germaniques et romans, bien avant les bouleversements du Ve siècle. La combinaison archéologie-toponymie confirme l'existence de centres de romanisation autour desquels se groupent des implantations secondaires, reflet d'une germanité ancestrale intégrée à un cadre administratif gallo-romain, auquel le haut Moyen Âge ne modifiera quasiment rien, comme le confirme l'implantation des nécropoles mérovingiennes. Se dessine alors un paysage ancestral avec la pérennité d'un germanisme endémique, sans rapport avec de prétendues invasions extérieures. L'espace mosellan retrouve enfin une individualité historique et une spécificité culturelle.