Dom Loupvent. Le voyage d’un Lorrain en Terre Sainte au XVIe siècle

Couverture/pochette
Couverture "Dom Poupvent"
Type de publication
Ouvrages des chercheurs
Année de publication
2007
Résumé

Un livre est sans doute le plus beau des voyages.
Celui-ci a commencé lorsque frère Loupvent revint de son pèlerinage en Terre Sainte en novembre 1531. Attendant à Venise de reprendre le chemin de son abbaye lorraine, il commença à classer ses notes qui, après bien des efforts, donnèrent le Voyaige itinéraire et transmarin de la Saincte Cite de Herusalem, long manuscrit en français du XVIe siècle. Quelques années plus tard, il reprit sa copie et composa un texte prêt àl’impression. Puis, ces manuscrits, tels des navires oubliés dans un port ensablé, furent abandonnés sur les rayons de la bibliothèque bénédictine de Saint-Mihiel où ils sont toujours conservés. Jean Lanher fut un des premiers à mesurer les splendeurs de ces manuscrits à que nous allions remettre à la mer. Il sut convaincre Philippe Martin d’embarquer plus tard avec lui. Le voyage en fut splendide.
Nous avons d’abord découvert les richesses d’un texte dont nous donnons ici une traduction. Les problèmes de paléographies et les questions de langues, nous ont obligé à donner une version « française actuelle ». Bien évidemment, la rigueur des règles de la traduction nus dirigea. Nous laissons donc notre chroniqueur responsable de ses a-priori et de ses jugements. Ils relèvent de son époque, non de la nôtre. Le je du narrateur, déguisé ou non, conserve son entière autonomie. Quelques passages relativement longs étaient en latin, ils sont ici traduits, mais les notes de bas de page le signalent. Nous avons maintenu des tournures proprement lorraines utilisées par frère Loupvent, elles sont entre guillemets. Nous avons également introduit les italiques pour les mots étrangers, les titres de livres… Nous avons encore glissé un troisième changement typographique : entre crochet nous avons indiqué les folios du manuscrit. Par la suite, toutes les références que nous donnerons se rapporteront à ces folios, le numéro suivi d’un « v. » signalant qu’il s’agit du verso. En revanche, les titres ou sous-titres sont ceux que frère Loupvent avait inscrit.
Les récits de pèlerins sont nombreux. Ceux étant partis à Jérusalem sont collectionnés depuis bien des décennies. Ce furent les travaux de la Palestine Pilgrim’s Textes Society de Londres, mais aussi les inventaires de Reinhold Roricht et Henrich Meisner, d’Ursula Ganz-Blätter ou de Marie-Christine Gomez-Géraud. Le texte de frère Loupvent est exceptionnel à deux titres. La version de que nous avons traduite (dit manuscrit A) est un exercice intime avec ses petits croquis ; écrite en 1532 ou 1533, juste après le voyage, elle conserve une fraîcheur de l’observation, image d’une vie poignante. Le cas de Loupvent est encore inaccoutumé car nous possédons une deuxième version (dit manuscrit B). Douze ans plus tard, il reprit alors son premier manuscrit, le ratura, l’enrichit de documents, le développa. Un seul mot, barré dans l’incipit de A donne la clé des différences et des motivations qui justifient et expliquent les choix. En A, il écrit : « faict l’an mil cinq cents trente et ung par moy frere Nicole Loupvent…». En B la séquence « moy frère » a été barrée et remplacée en interligne au-dessus par : « domp ». Le trésorier de 1531 était devenu « grand prieur claustre dudict monaster ». Un prieur, « domp », ne pouvait pas dire, ni surtout écrire, ce que disait et écrivait un frère, fût-il « trésorier ». Cette rature est révélatrice d’une mentalité nouvelle. Elle explique tout. L’actualité du périple était oubliée. Grâce à une masse de documentation supplémentaires et aux livres de la bibliothèque de son institution, il put manifester une culture classique et politique digne d’un religieux important. Il prit son temps, donnant une version beaucoup plus belle avec ses aquarelles et sa parfaite calligraphie. Nous l’avons pourtant délaissée afin de privilégier le texte qui était le plus proche de l’expérience pèlerine, de l’intimité d’une âme qui disait ses espérances et ne pensait pas encore à sa carrière. Dans ce manuscrit A, nous n’avons pas retenu les nombreuses mentions marginales latérales, ainsi que des hauts et bas de feuillet, ajouts destinés à paraître dans B. Nous avons retrouvé, sous le poids des surcharges, la pureté de la parole de 1531 : notre texte est donc à la fois traduction et restitution. Pour l’accompagner, nous avons repris les illustrations de la seconde translation. Loupvent y est bien présent, moine encapuchonné il se cache dans presque tous ces dessins. Cette partie de notre livre est la parole de Loupvent restituée pour notre temps.
Mais, avant de suivre notre religieux dans son long périple, nous avons du le présenter et dévoiler la complexité de l’époque où il vivait. Ici, notre plume trouva son inspiration dans les eaux qu’anime la Sirène d’Ambroisie, guide secret toujours présent. Cette première partie de notre livre est illustrée de documents du XVIe siècle uniquement conservés à Saint-Mihiel. Nous aurions pu, bien évidemment, trouver une iconographie plus riche, mais nous avons souhaité montrer les ouvrages que Loupvent avaient lus ou ceux que ses successeurs rassemblèrent. Ils nous fournissent un autre regard sur la Méditerranée et la Terre Sainte tout en demeurant révélateur du milieu bénédictin lorrain du XVIe siècle. Ils complètent intimement les mots de Loupvent.