Actes des laïques / actes des ecclésiastiques : la production de l'écrit documentaire dans l'espace lotharingien (XIe-début XIIIe siècle)

image écriture
Colloque/Journée d'étude
Nancy
affiche actes des laïques

Les cadres de la production de l’écrit documentaire au haut Moyen Âge et au Moyen Âge central font l’objet de nombreux travaux récents renouvelant la connaissance des milieux producteurs (chancelleries, « centres d’écriture »). Ces études interrogent généralement la cohérence des pratiques en fonction d’espaces régionaux, plus rarement en fonction des réseaux ou ordres religieux. L’espace lotharingien a fait l’objet de recherches pionnières visant à définir la notion de chancellerie, tout particulièrement pour les actes d’évêques. Plus récemment, ce sont d’autres aspects, tels que les lieux de l’écriture et la pratique chirographaire, qui ont été éclairés.

Alors que l’un des projets-phares de l’Atelier diplomatique du CRULH, le projet « Chartes originales 1121-1220 », consiste en la constitution et l’intégration dans une base de données en ligne d’un corpus des actes originaux lorrains pour la période 1121-1220, nous nous proposons d’organiser deux journées d’études illustrant l’apport des humanités numériques à la recherche. En effet, la mise à disposition de la communauté scientifique de plusieurs centaines de photographies et transcriptions d’actes ne peut que faciliter et encourager les travaux sur des documents parfois méconnus et sous-exploités. L’ampleur du corpus permet également des études sérielles ouvrant sur de nouvelles hypothèses scientifiques.

Il est ainsi possible d’analyser la façon dont la qualité de l’auteur ecclésiastique (évêque, abbé, doyen) ou laïc (duc, comte, seigneur, etc.) influence la production de l’acte, aussi bien dans ses caractères externes qu’internes. Il s’agit de dépasser la traditionnelle répartition des actes selon l’auteur ou le bénéficiaire pour prendre en compte d’autres cas de figures possibles : (collaboration/interaction entre les parties, question de l’apprentissage des pratiques par les scribes) et mesurer les contingences qui ont pu conditionner les choix graphiques rédactionnels (niveau d’aptitudes et/ou sensibilité diplomatique des scribes, réceptivité à un modèle imité ou à des formules en circulation, souci de conformité). Cette approche est un préalable à l’étude des actes des princes et seigneurs laïques encore peu connus.

L’objectif est donc de valoriser, par l’organisation de deux journées d’études complémentaires, — la première consacrée aux caractères externes des actes et la seconde à leurs caractères internes — les travaux menés au sein de l’Atelier diplomatique du CRULH depuis plusieurs années. Les communications, majoritairement recentrées sur la période 1121-1220, s’appuieront en effet sur l’exploitation du corpus d’originaux lorrains constitué dans le cadre du projet « Chartes originales 1121-1220 ».

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S’intéresser aux pratiques de l’écrit, à la culture de l’écrit, c’est considérer la production et la conservation des documents comme un processus social. C’est tout d’abord étudier l’écrit dans sa matérialité : l’écriture, la mise en page, ouvrent une fenêtre sur les modes de production de l’écrit ; les conventions qui président à son élaboration, l’usage éventuel d’images et de « symboles graphiques », sont à mettre en relation avec le contenu du texte et le statut de l’auteur, l’image qu’il veut donner de lui-même et de son pouvoir, la position qu’il adopte vis-à-vis du destinataire de l’acte. Supports d’un texte, les écrits du Moyen Âge sont destinés à être « lus, vus et entendus » : ce sont des objets, que l’on s’échange symboliquement et rituellement, auxquels est attribuée une valeur sociale particulière.

C’est dans ce courant de recherche, consacré à la matérialité des documents et à leur rhétorique visuelle, que s’insère cette première journée-atelier. Le choix a donc été fait de centrer l’approche sur les caractères externes des actes : format, mise en page, écritures, signes graphiques, scellement, etc.

Les différentes communications chercheront à montrer dans quelle mesure le rendu visuel des actes procède de contingences pratiques  — connaissances des actes souverains, pontificaux, épiscopaux ; savoir-faire des scribes — et dans quelle mesure il s’inscrit dans un effort intentionnel. Il s’agit par-là d’évaluer la façon dont les actes, dont l’aspect peut ou non obéir à un système de références visuelles (actes souverains imités, sens symbolique de l’écriture, choix des pratiques sigillaires, etc.), ont pu chercher à exprimer une idée (solennité, expression du pouvoir, sacralité).