Autour de Raymond de Becker (1912-1969)

image Raymond de Becker
Colloque/Journée d'étude
Bruxelles

Étrangement, la figure de Raymond De Becker (Schaerbeek, 30 janvier 1912 – Versailles, 18 avril 1969), souvent évoquée dans les travaux des historiens, n’a encore fait l’objet d’aucun travail biographique. « Quant à Raymond De Becker », écrivait fort opportunément un « ami » d’André Gide, son histoire reste à écrire, car il semble que son passage du christianisme prophétique au fascisme virulent ait fait de lui un personnage non seulement sulfureux mais tabou ».

Après des études secondaires inachevées à l’Institut Sainte-Marie à Bruxelles, Raymond De Becker trouve à s’employer au sein d’une entreprise d’import-export américaine. Il quitte ce poste après un an pour entrer au secrétariat de l’ACJB à Louvain en tant que secrétaire général de la Jeunesse indépendante catholique – cercle de jeunesse des classes moyennes – qu’il a créée en mars 1928 avec sept autres jeunes industriels et commerçants. Il entre en contact avec des étudiants de Saint-Louis via Conrad van der Bruggen à l’été 1931 et participe à la fondation de l’Esprit nouveau et des Équipes universitaires. Il interrompt ses activités fin décembre 1932 après le congrès de la Centrale politique de jeunesse pour entreprendre une retraite mystique en France à Tamié où il a déjà effectué une reconnaisse au mois de septembre précédent de retour d’un voyage à Rome. Il met au point les premiers statuts du mouvement « Communauté » et revient en Belgique en novembre 1933 après un passage à Paris où il a rencontré André Gide. Ayant fait la connaissance d’Emmanuel Mounier à Bruxelles début 1934, il contribue à la pénétration des groupes « Esprit » en Belgique. De 1936 à 1938, il est associé au comité de rédaction de La Cité chrétienne puis passe à L’Indépendance belge d’où il est renvoyé en 1939. Il participe alors à la fondation du périodique neutraliste L’Ouest dirigé par Jean de Villers.

Durant l’Occupation, il deviendra directeur éditorial des Éditions de la Toison d’Or et rédacteur en chef du Soir volé. Il rompra cependant avec la collaboration en septembre 1943, justifiant sa rupture par l’incertitude manifestée par Léon Degrelle et les rexistes de s’attacher à défendre une structure étatique belge. Il sera alors placé en résidence surveillée, d’abord près de Genappe puis à l’hôtel d’Ifen à Hirschegg dans les Alpes bavaroises en Autriche où il côtoie notamment André François-Poncet. Condamné à mort le 24 juillet 1946 par le Conseil de guerre de Bruxelles, il sera cependant libéré en février 1951 mais contraint à l’exil. Il se réfugie en France où il poursuit une activité de publiciste principalement tournée vers la psychanalyse.

Ce colloque ambitionne donc d’aborder sans tabous cette figure capable de se mêler à tout ce qui compte dans les cénacles intellectuels belges et européens de l’entre-deux-guerres. A travers quatre sessions, il s’agira de revenir non seulement sur le parcours et les engagements du jeune publiciste dans les années 30 et 40, mais aussi de tenter de mesurer l’influence qu’il a pu exercer sur les nouvelles relèves belges et européennes. Cette démarche, essentielle, est compliquée par le fait que s’étant fourvoyé au nom de l’idée d’Europe unie dans la collaboration avec les nazis, le publiciste est devenu, dans la foulée de l’épuration, un « ami encombrant ».

En ce sens, les contributions devraient aussi permettre d’appréhender l’angle-mort qui apparaît immanquablement dans le parcours de nombreux personnages-clés de l’histoire intellectuelle, politique et artistique (P.-H. Spaak, mais aussi Hergé, Paul De Man, H. Bauchau) avant et après la Seconde Guerre mondiale. A cet égard, il est encore à espérer que cette rencontre permettra aussi de retrouver la piste de papiers et d’archives « oubliées » ou en déshérence de/sur Raymond De Becker…

Les différentes interventions feront l’objet d’une publication dans la collection des Archives et Musée de la Littérature à laquelle sera, notamment, adjointe la correspondance conservée entre Raymond De Becker et Jacques Maritain conservée au Cercle d'études Jacques et Raïssa Maritain de Kolbsheim.