Communitas regni : la "communauté du royaume" (Angleterre, Ecosse, France, Empire, Scandinavie) de la fin du Xe siècle au début du XIVe siècle. Théories et pratiques
La notion de communitas regni, ou universitas regni, est familière aux historiens des grands mouvements politiques de l’Angleterre du XIIIe siècle, qu’il s’agisse de l’épisode de la Grande Charte ou du mouvement des barons de 1258. L’expression renvoie parfois exclusivement aux grands seigneurs du royaume, qui sont alors les seuls à dialoguer avec le roi, mais, dans certaines circonstances, elle désigne clairement l’ensemble du peuple. Face au roi, la revendication politique put s’appuyer sur ce type de solidarité, dont le serment mutuel permettait la consolidation, et elle s’exprima dans des grands conseils ou des assemblées. Les associations qui prenaient la forme d’une communitas regni n’étaient toutefois pas une singularité anglaise ; dans d’autres royaumes européens, des mouvements semblables furent bien à l’œuvre pendant cette période.
Au-delà de cette définition étroite, la notion de communitas regni recouvre toutefois des réalités plus fondamentales : le fait même que l’expression puisse renvoyer au peuple suggère l’identification d’une population à un royaume. Les facteurs culturels, le sentiment d’une ascendance commune, la perception du territoire, la pratique d’une même langue purent contribuer à fonder le sentiment d’une identité commune ; mais, dans la période qui va du XIe au XIIIe siècle, l’expérience politique partagée et l’allégeance à un roi furent des facteurs peut-être tout aussi essentiels dans ce processus d’identification, comme le suggère le cas de l’Écosse, marquée par la diversité linguistique et culturelle, mais définie comme un royaume par une volonté politique commune, dont l’action des Gardiens du royaume après la mort accidentelle d’Alexandre III en 1286 rend bien compte.