Faveurs et politique dans l'Europe contemporaine (19e et 20e siècles)
Au cours des vingt dernières années, les débats collectifs sur la corruption politique ont pris une importance considérable. Dans de nombreux pays, comme au plan international, ces débats ont abouti à la création de nouvelles normes, visant à éradiquer la corruption, au nom de la transparence. Par contraste, l’étude historique du phénomène est encore à ses débuts, particulièrement les recherches comparatistes Ce colloque, premier d’un cycle qui sera suivi de deux autres à Avignon en 2013 et à Damstadt en 2014 s’insère dans un projet de recherche soutenu par l'ANR (agence nationale de la recherche) et la DFG (deutsche forschungsgemeinschaft) et coordonné par Jens Ivo Engels (université technique de Darmstadt) et Frédéric Monier (université d'Avignon), avec Natalie Petiteau (université d'Avignon), Andreas Fahrmeir (université Goethe de Francfort) et Olivier Dard (université de Paul Verlaine-Metz). Ce projet comparatiste veut montrer comment les phénomènes de corruption, dans leurs formes actuelles, sont apparus, en Europe et aux Amériques entre le début du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle, avant d'évoluer fortement au cours du XXe siècle.
Loin d’être atemporelle, la corruption politique a d’abord une histoire. Rompant avec les systèmes d’Ancien régime marqués par les patronages aristocratiques, la politisation des sociétés et l’institutionnalisation de l'État créent une critique absolue de la corruption, à partir du tournant des XVIIIe et XIXe siècles. Aujourd’hui, le sens commun y voit l’abus d’une position publique à des fins privées. L’un des objectifs de ces colloques est de montrer comment, dans différents pays, la notion de corruption renvoie à des pratiques d'influence, ainsi qu'à leurs perceptions par le public: pratiques et perceptions varient selon les temps et les lieux.
Le projet appréhende les phénomènes de corruption dans leurs deux dimensions constitutives: des pratiques politiques dominées par des faveurs; des modes de publicisation qui, avec l’essor des médias de masse ou de la « visibilité médiatisée », constituent les scandales et les affaires en moments des débats publics Cela fait surgir des interrogations sur la morale publique et sur la construction culturelle de modèles idéaux, concernant le bien commun et l'intérêt général. Compte tenu des modèles étatiques et des traditions politiques propres aux différents pays, on attend de la recherche comparative certains éclairages: sur les particularités nationales et les tendances généralisables – ce sur quoi la recherche sur la corruption s'est peu étendue jusqu'ici.