Héros grecs à travers le temps. Autour de Bellérophon, Cadmos, Persée, Thésée
La mythologie grecque est l’une des composantes principales du patrimoine culturel occidental, peut-être même la plus évidente. Elle a traversé les siècles, imprégné tous les modes d’expression, et, loin d’accompagner l’extinction des langues anciennes, elle intéresse de nos jours un public très large et inspire une part importante de la création contemporaine, notamment au cinéma.
Du Thésée du Vase François, au VIe siècle avant notre ère, à celui des Immortels de Tarsem Singh en 2011, du Persée de la Théogonie d’Hésiode à celui du Choc des Titans et de la Colère des Titans, voire au personnage de Percy Jackson, il est certain que les héros ont changé, et leurs aventures aussi…
Mais les œuvres cinématographiques de ces dernières années, dont on souligne souvent les libertés qu’elles prennent avec la tradition, ne sont finalement guère plus irrespectueuses que les auteurs des siècles antérieurs vis-à-vis des mythes antiques. Ceux-ci n’ont cessé d’être réécrits, repensés, reformulés, et cette mutabilité extrême leur est en quelque sorte consubstantielle. Nul ne s’offusquait, dans l’Athènes du Ve siècle avant notre ère, lorsque Eschyle ou Euripide ajoutait de nouveaux épisodes à la geste de tel ou tel héros – on allait au contraire voir au théâtre comment les Tragiques avaient accommodé cette année-là les « vieilles histoires » pour évoquer, en fait, l’actualité la plus récente.
L’émergence d’une culture gréco-romaine n’a pas enrayé le processus créatif, et les Métamorphoses d’Ovide, en particulier, illustrent de façon éclatante la malléabilité de la matière mythologique – des Métamorphoses dont on sait l’influence, tant au Moyen Âge qu’à l’époque moderne et jusqu’à nos jours, et aussi bien dans la littérature, la musique (ainsi, les tragédies lyriques des XVIIe et XVIIIe s.) que la peinture et, tout récemment, le cinéma (avec le film de Christophe Honoré, sorti le 3 septembre 2014).
Dans le sillage d’Ovide ou par le biais d’autres filiations, nourries d’un retour aux sources ou fruit de croisements complexes, les mythes grecs sont restés vivants, résistant à l’entreprise ancienne des mythographes classificateurs comme à celle du positivisme. Sans doute y a-t-il eu une phase de latence, où les héros immémoriaux de notre imaginaire collectif ont été en quelque sorte domestiqués, envisagés comme des métaphores (la psychanalyse y a été pour beaucoup, mais la même tendance se constate dans nombre d’œuvres littéraires, tel le Thésée d’André Gide). Se seraient-ils réveillés, voire révoltés ? Car il semblerait bien que le temps des images fortes soit revenu, images de héros éclatants, de combats terribles, de monstres effrayants.