Identités nationales / Identités régionales dans l'espace de la francophonie des années 1960 à nos jours

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Colloque/Journée d'étude
Strasbourg
affiche identités

Après les premières vagues de revendications identitaires du tournant des XIXe et XXe siècles, puis de l’entre-deux-guerres, les années 1960 voient la renaissance et la multiplication des mouvements d’affirmation particulariste en Europe comme en Amérique du Nord. Nous nous limiterons ici aux espaces de la francophonie, qui offrent un vaste champ d’études cohérent, mais cela n’empêchera pas – elle sera bien au contraire encouragée – une mise en perspective grâce à l’étude succincte d’autres aires géographiques et civilisationnelles. Sans négliger l’arrière-plan culturel on se concentrera sur les aspects politiques et « militaires » de la question.

Au cours des années 1960 la plupart des mouvements identitaires subissent une mutation importante, quittant généralement la droite de l’échiquier politique pour le traverser et se porter sur sa gauche, voire sur l’extrême gauche. Ce glissement est particulièrement marqué dans le cadre du souverainisme québécois, des autonomismes et indépendantismes basques et bretons. D’un régionalisme ou nationalisme catholique traditionnel on passe à des luttes inspirées par le marxisme dans ses différentes acceptions, notamment maoïste, ou au moins par le socialisme. Le glissement est en revanche à nuancer fortement en Alsace, où, jusqu’à aujourd’hui, coexistent un autonomisme gauchisant teinté d’écologie (Union du peuple alsacien, puis Unser Land) et une mouvance clairement ancrée à droite, voire à l’extrême droite (Alsace d’abord).

Les pays concernés par ces phénomènes identitaires qui semblent aller à contre-courant d’autres mouvements de fond, comme la création de la Communauté économique européenne, puis de l’Union européenne, concernent à la fois un État à forte tradition jacobine (la République française) et d’autres ancrés dans le fédéralisme sous différentes formes (Belgique, Luxembourg, Suisse, Italie, Canada et États-Unis).

La plupart de ces mouvements s’inscrivent dans une logique de « libération nationale » et se rattachent au courant de la décolonisation, avec des références constante aux luttes des peuples palestinien, irlandais, vietnamien, à celles des noirs américains et des Amérindiens. Les liens avec Cuba, la Libye, l’Algérie, le Bloc de l’Est sont fréquents. Le contexte général est celui de la guerre froide.

Certains de ces phénomènes sont surtout culturels (littérature, presse, musique, folklore), comme celui des Cajuns en Louisiane, des Franco-Américains (descendants d’immigrés canadiens français) en Nouvelle-Angleterre, des Franco-Ontariens ou des Franco-Manitobains au Canada, bien que ces « combattants de la culture » disposent de relais dans les partis politiques de leur État ou de leur province (notamment en vue de la défense de leurs droits linguistiques).

La plupart ont toutefois un volet politique autonomiste, sécessionniste, « désannexioniste » ou indépendantiste[1]. Parfois, les militants politiques sont « rattachistes », « réunionnistes » ou irrédentistes[2]. Certains se sont même lancés dans ce qu’ils appellent la « lutte armée » (que les États constitués et la communauté internationale nomment terrorisme)[3], laquelle a parfois suscité en réaction un « contre-terrorisme »[4].

Si cette effervescence identitaire politique et parfois « militaire » s’est souvent atténuée à partir du milieu des années 1980 en Europe francophone, il faut noter les notables exceptions du nationalisme corse et de la question wallonne, tandis qu’elle connaît des résurgences périodiques en d’autres endroits. En Amérique du Nord le très court échec des souverainistes au référendum de 1995 a plongé le mouvement québécois dans une crise dont il est loin de s’être relevé, alors que l’assimilation guette les francophones des États-Unis et de l’Ouest canadien, au sein desquels un nouvel intérêt pour les « racines » émerge parallèlement dans des cercles restreints, mais actifs.

En comparant ces mouvements, de part et d’autre de l’Atlantique, on est frappé par de nombreux points de convergence – ils entretiennent d’ailleurs souvent des relations plus ou moins suivies -, même s’ils ont chacun leur histoire et leur personnalité propres.

Le cycle de journées d’études réparties sur trois sessions en 2015, 2016 et 2017 que nous organisons permettra de faire un tour d’horizon de la question complexe des rapports entre Identité nationale et identité régionale dans l’espace francophone, en Europe comme en Amérique du Nord des années 1960 à nos jours.

 

[1] Union du peuple alsacien, Unser Land et Alsace d’abord - Québec solidaire, Parti indépendantiste, Option nationale, Parti québécois - Parti acadien - Rassemblement wallon – Maison flamande (dans le Nord de la France) - Parti nationaliste basque - Esquerra Catalunya del Nord en Roussillon – Adsav, Parti pour l’organisation de la Bretagne libre, Emgann-Mouvement de la gauche indépendantiste, Union démocratique bretonne, Gauche indépendantiste bretonne (Breizhistance-Indépendance et Socialisme), Parti breton (Strollad Breizh) - Parti de la nation corse, Corsica Libera, Alliance nationale corse, Corsica Nazione Indipendente, Rinnovu, A Cuncolta Naziunalista, Ghjuventù Indipendentista et Strada Diritta - Mouvement indépendantiste franc-comtois et Mouvement Franche-Comté - Parti languedocien - Mouvement normand et Parti fédéraliste de Normandie - Confédération savoisienne et Union savoisienne - Parti occitan, Nous irons au combat (Anaram Au Patac), Gauche révolutionnaire occitane, Corrent revolucionari occitan, Libertat et Parti de la nation occitane - Union valdôtaine et Renouveau valdôtain (Val d’Aoste) - Mouvement séparatiste jurassien et Rassemblement jurassien dans le canton de Berne, en Suisse.

[2] Seconde République du Vermont qui prône l’indépendance ou l’union avec le Québec - Rassemblement Wallonie France - Mouvement pour un Grand Luxembourg (en vue de la réunion de Luxembourg belge et du grand-duché) - Mouvement indépendantiste franc-comtois, dont certains membres réclament la fusion avec le Jura suisse.

[3] Front de Libération du Québec - Euskal Zuzentasuna, Hordago, Ceux du Nord (Iparretarrak) et Irrintzi au Pays basque - Loups Noirs en Alsace - Front de libération de la Bretagne, Armée républicaine bretonne, Armée révolutionnaire bretonne - Front de libération nationale corse – Front de Libération du Jura.

[4] Bataillon basque espagnol, Groupes antiterroristes de Libération au Pays basque - Francia en Corse.