Petites mains d'artistes dans les pratiques scientifiques. XIXe-XXe siècles

image portrait
Colloque/Journée d'étude
Nancy
Affiche petites mains

Ces journées d’études proposent d’interroger l’histoire des rapports entre arts et sciences du point de vue d’une histoire sociale attentive aux acteurs. Il s’agit de saisir quelle(s) place(s) ont occupé les artistes dans le cadre neuf de la science professionnelle à partir du XIXe siècle : celle des laboratoires, des observatoires, des musées, des universités, etc. Sur ces terrains, l’historiographie a été profondément renouvelée par des travaux récents d’historiens de l’art tout autant que d’historiens des sciences. Se détournant de l’analyse des idées, des questions d’esthétique ou de « l’histoire de la vérité », ils se sont intéressés à celle des objets, des gestes, des sociabilités, de toute une matérialité concrète des pratiques savantes. Bruno Latour depuis les années 1980, ou plus récemment Lorraine Daston et Peter Galison, ont ainsi montré tout l’intérêt de l’étude des objets scientifiques, notamment des images, conçus comme des productions culturellement inscrites, des artéfacts. Ces apports rencontrent aujourd’hui des travaux mitoyens sur les « savoirs de la main » qui ont révélé l’existence d’échanges de savoirs hétérogènes, notamment avec le monde des artisans, ignorés des écrits théoriques, car incorporés (embodied knowledge). L’histoire pionnière des images naturalistes a permis d’éclairer les relations entre artistes et savants, et les enjeux épistémologiques de ces rencontres entre arts et sciences dans le cadre d’une « économie morale de l’objectivité » réclamant à la fois l’effacement de la « manière » de l’artiste et la reconnaissance de ses compétences spécifiques. Celle-ci se fait parfois au plus haut niveau institutionnel, par exemple avec la création de la chaire d’iconographie naturelle du Museum, en 1793. Ces travaux, parmi de nombreux autres, invitent à réinterroger la supposée « rupture » qui aurait présidé à l’essor de la science moderne : suivant le récit classique, les méthodes scientifiques se seraient affirmées à partir de la Renaissance, reléguant les arts hors du champ scientifique, voire hors de celui du savoir. La rupture entre ces deux modes d’accès au réel aurait été consommée au XIXe siècle, avec l’affirmation d’une science expérimentale professionnalisée consacrée à sa saisie objective et, dans le même temps, la formation d’une classe d’artistes défendant un abord fondamentalement subjectif. En dépit de cette déqualification théorique des arts du point de vue des sciences, on constate pourtant, dans les lieux de science, l’existence, d’une part artistique occultée dépassant les seuls transferts de techniques – fictions dans les textes savants, rémanence des styles dans les images scientifiques etc. – mais aussi la présence de toute une population de petites mains « d’artistes » qui demeurent mal connus. C’est l’objet de cette journée d’études que de les mettre en lumière.