Pratique documentaire, pratique révolutionnaire ? (fabrique et usages de la documentation à Nancy (1789-1794))

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Conférence
17h30
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par Clément DAYNAC

Il est question ici d’observer les liens qui existent entre la production documentaire et la Révolution française, pensée ici comme une situation de crise (politique, mais pas seulement), le tout à l’échelle de la ville de Nancy.
Les mutations politiques, sociétales ou institutionnelles de la fin du XVIIIe siècle entraînent une réorganisation administrative conséquente du royaume de France devenu République en 1792. La volonté de rationaliser l’État et normaliser les rapports entre populations et pouvoirs au prisme de la loi se matérialise spatialement : le territoire national est divisé en 83 départements, eux-mêmes subdivisés en districts, cantons et communes. Ces nouvelles institutions politiques et judiciaires constituent un maillage dense d’entités administratives et judiciaires qui s’avèrent toutes être des centres de production d’une documentation dont l’existence, en premier lieu, est vouée à permettre et faciliter les interactions et le fonctionnement de ces institutions nouvelles et matérialiser ce que l’on nomme alors la « régénération de l’État ».
La documentation inscrit et éprouve sa praticité dans un contexte d’alarmes revêtant différentes formes (invasion militaire austro-prussienne, insurrections et émeutes, crises frumentaire, financière, religieuse etc.) qui place les administrations, comme les populations, dans un état
 
permanent d’urgence. Les dangers encourus, la crise institutionnelle qui s’accentue avec la défaillance puis la destitution de l’exécutif monarchique, sont autant d’éléments favorisant la fabrication et l’utilisation d’une documentation visant à améliorer la situation ou, au moins, à parer au plus pressé.
Dès lors, la pratique documentaire est indissociable de la pratique révolutionnaire et le lien qui les relie est à interroger, d’autant plus que dans ce contexte de crises, les administrations n’ont pas le monopole de la production documentaire : avec la concrétisation du Nouveau Régime qu’est la République et la disparition des distinctions de citoyenneté (active/passive), émergent dans le champ public des groupes sociaux et/ou politiques (sans-culotterie par exemple), souvent peu visibles jusque-là, qui matérialisent leur révolutionnarité par des initiatives documentaires particulières comme la délation ou la pétition, cette documentation tant officielle qu’officieuse, passant parfois d’un caractère privé à un caractère public, constitue un entre-deux qui met en lumière l’influence de l’urgence sur la vie quotidienne, le taux d’imprégnation et d’adhésion aux idées nouvelles et renseigne finalement autant le rapport à la documentation que le rapport à la Révolution.
Interroger ce lien, entre crise et pratique documentaire, tantôt du côté de la production des sources et tantôt du côté du contexte d’urgence, dans le cadre d’une ville de province, cela revient finalement à se demander assez simplement quelle est la place de la documentation et quel rôle joue-t-elle dans la marche de la Révolution et à l’inverse, qu’est-ce que la Révolution provoque comme changements de pratique documentaire ?
 

Les comptes rendus des interventions sont disponibles sur : https://crisesdoc.hypotheses.org