BERNARDOFF Hélène

Présente sous de multiples formes, la végétation occupe dans l’œuvre du peintre ferrarais Dosso Dossi une place non négligeable, sinon centrale, à tel point qu’on lui attribue parfois l’invention du premier paysage autonome de l’histoire de la peinture occidentale. Cette affinité que l’artiste entretenait avec le monde végétal avait d’ailleurs été perçue par ses contemporains, à l’instar de Giorgio Vasari rapportant dans les Vies qu’il avait la réputation, en Italie du Nord, de faire les paysages mieux que quiconque. Or l’importance que Dosso a conférée au végétal (qui ne se réduit pas au paysage et l’excède largement) demeure, paradoxalement, la part aveugle de l’historiographie consacrée à l’artiste. Car les végétaux considérés pour eux-mêmes ont rarement retenu l’attention des historiens de l’art, si ce n’est pour les faire participer du grand récit historiographique de la conquête de la mimésis ou de la naissance du paysage, ou encore leur attribuer un symbolisme qui les transcende. C’est donc par le prisme du végétal, souvent invisibilisé ou marginalisé, que nous tenterons de renouveler la vision de l’œuvre de Dosso Dossi. Par une approche profondément interdisciplinaire faisant dialoguer les œuvres picturales avec des sources textuelles variées (littérature artistique mais aussi textes littéraires, philosophiques, médicaux), au carrefour de l’histoire et de la théorie de l’art, de la sémiotique et de l’anthropologie, cette étude s’attachera à interroger la prolifération du végétal dans l’œuvre du peintre pour en révéler les enjeux tout à la fois artistiques, scientifiques, théologiques, philosophiques et anthropologiques. Ce projet s’inscrit dans les perspectives d’un nouveau champ interdisciplinaire particulièrement dynamique, celui des Plant humanities, qui vise à repenser notre manière de percevoir le végétal, dans lequel la peinture de la Renaissance apparaît comme une ressource inactuelle pour réimaginer les interrelations entre le végétal et l’humain.