Atelier "Sociétés de frontières : structures linguistiques et religieuses"
La notion de « société de frontière », émise clairement par Peter Sahlins mais déjà en place dans le travail de Frederick J. Turner à la fin du XIXe siècle , est d’une étonnante actualité dans le contexte (geo)politique et scientifique actuels et au moment où les questions d’identité semblent s’affirmer à nouveau avec force. En Europe, depuis la disparition du Rideau de fer et de l’URSS, la frontière ne cesse d’être un objet d’études parce qu’appelant les chercheurs à réfléchir sur les liens entre frontières étatiques et populations-sociétés des espaces frontaliers au fil des siècles. Intégré dans ce contexte et cette dynamique, l’atelier de Nancy, sur une journée et demie, veut permettre à de jeunes chercheurs allemands et français d’échanger autour d’outils archivistiques, historiogra-phiques et conceptuels qui permettront de mettre en discussion cette notion de « société de fron-tière » à travers le prisme des structures linguistiques et religieuses de l’espace Moselle/Sarre. Étant donné la grande persistance de phénomènes tels que la langue et la religion, souvent con-çues comme frontières « socioculturelles », la manifestation s'est proposée d’engager une perspective de longue durée portant l’attention sur les populations locales tant à la première modernité qu’à l’époque prémoderne. Cette perspective a permis d’appuyer continuités et mutations et a invité à mettre en cause des approches et perceptions trop étroites des sociétés dites « de l’entre-deux » et du particularisme qu’on leur accorde.
Pour ce faire, l’atelier s'est déroulé en plusieurs temps, chacun pouvant s’exprimer dans la langue de son choix en présence d’intermédiaires bilingues, avec l’appui d’un ensemble documentaire distribué auparavant. Un premier moment a été dédié à un cadrage historiographique autour de la thématique, prétexte à engager un premier temps d’échanges sur les discours des différentes cultures scientifiques. A suivi une rapide mise au point sur l’imbrication frontières étatiques, linguistiques et religieuses dans l’espace envisagé, pour ouvrir sur une discussion autour de cet exemple régional et de sa capacité matricielle d’analyse en regard d’autres cas régionaux ailleurs en Europe. A suivi alors une discussion fondée sur l’étude de quelques extraits de textes « fondateurs », dans le but à la fois de donner à tous les participants des clefs communes d’approche de la thématique frontalière tout en voulant montrer les limites de toute théorisation.
Un second grand temps a été consacré à une intervention plus directe des jeunes chercheurs, associés en binômes franco-allemand. Chaque membre a présenté sa perception et son analyse d’un texte, ce qui a permis d’ouvrir à chaque fois un temps d’échanges, les autres membres et participants étant eux-mêmes en possession de la documentation discutée. Ces discussions ont permis d’aller plus loin dans l’approche de la notion de société de frontière et ont pu être synthétisées pour être présentées à l’assemblée, tout comme sur le carnet de recherche bilingue ac-compagnant le PFR et visible pour un public scientifique plus large. Le blog a servi d’outil de documentation et de présentation de projets ainsi que de voie de d’échanges entre participants, invitant chacun/e à contribuer en français et/ou en allemand.
Enfin, le troisième temps de cette rencontre s'est tenu le lendemain dans une institution patrimoniale lorraine afin d’y aborder plus concrètement des matériaux archivistiques issus de l’histoire de l’espace même, pour en faire voir la grande diversité ainsi que la complexité documentaire et linguistique. Une introduction, fondée sur la philologie (Nikolaus Ruge, Universität Trier), a servi de préalable à des travaux ponctuels auxquels ont participé les jeunes chercheurs pour après travailler sur des cas documentaires concrets. Ce travail sur des sources historiques permettra de concrétiser des réflexions abordées précédemment et aider les jeunes chercheurs dans leur cheminement/questionnement sur des documents d’archives. Il s’agissait bien de leur fournir des outils d’analyse scientifique, transposables par ailleurs, et de contribuer à renforcer le principe de la démarche du chercheur en sciences humaines. La manifestation s'est terminée avec un bilan repris lors de deux ateliers à venir autour des « contestations » et des « mutations mémorielles » des frontières.
Contact pour inscription et pour toute information supplémentaire :
Laurent Jalabert (CRULH-UL Nancy) : laurent.jalabert [at] univ-lorraine.fr (laurent[dot]jalabert[at]univ-lorraine[dot]fr)
Maike Schmidt (Universität Leipzig) : maike.schmidt [at] uni-leipzig.de (maike[dot]schmidt[at]uni-leipzig[dot]de)