Elites entre identités locales et réseaux transfrontaliers (XIIIe-XVIIIe s.)

Jugé un temps inapplicable à l’investigation historique (Vovelle), le concept d’élites a connu ces trente dernières années un profond renouvellement, aussi bien parmi les modernistes comme chez les médiévistes ainsi qu’en témoigne le projet franco-luxembourgeois TRANSSCRIPT attaché à l'étude des transferts culturels entre France et Empire (XIIIe-XVIe s.) et à celle des pouvoirs territoriaux urbains et seigneuriaux infra-princiers. Le succès de cette thématique tient à la plasticité d’une catégorie sociale définie par la richesse, le pouvoir, le prestige et la diversité des formes d’expression d’un leadership. L’étude des élites comporte un premier volet culturel et identitaire, faisant intervenir les notions d’échanges intellectuels, artistiques, la circulation des idées et des goûts, en particulier dans les petites cours des États frontaliers. Il comporte ensuite un volet familial, juridique et géographique, interrogeant la perception et la construction des territoires frontaliers. Il comprend enfin un volet culturel, social et politique relatif à la construction des principautés dans l’espace lotharingien à l’époque médiévale.

Ce projet est décliné en plusieurs directions de recherche : (1.1) « Cours et courtisans des confins » : la cour est entendue ici comme instrument de pouvoir, comme foyer culturel et lieu de communication entre les élites. Lorsqu’elles se situent dans des États frontaliers, les petites cours deviennent, plus qu’ailleurs, des zones de passage et de brassage, permettant de mettre en lumière les phénomènes de métissages culturels durant l’époque moderne (Anne Motta). L’examen des comptabilités aristocratiques permettra d’étudier les consommations curiales à Versailles comme dans les autres cours princières et de mesurer leur degré d’ouverture aux influences étrangères. Une attention particulière sera portée aux femmes, séparées ou veuves dans la société curiale, en observant plus spécialement le groupe des princesses du sang et leur entourage (Aurélie Chatenet). La cour de Lorraine, bien documentée, tiendra une place importante dans cette réflexion. La thèse engagée par Jean-Daniel Mougeot sur la noblesse du Westrich en constitue un observatoire privilégié. Par ailleurs,  comptabilités ducales, registres des tabellions, lettres patentes, archives judiciaires... seront convoquées pour reconstituer la carrière de deux hérauts d'armes, George Gresset et Emond du Boullay, et éclairer leurs réseaux entre la cour ducale et la ville, entre la cour de Lorraine et les autres cours (J-Chr. Blanchard). (1.2) « Frontières entre représentations et pratiques ». Cette direction de recherche s’inscrit dans un temps long (XIIe-XVIe siècles) et privilégie les sources littéraires, sans exclusive. Il porte sur les frontières du royaume de France et celles des États lorrains à la fin du Moyen Âge, sur la construction de la limite, ainsi que son impact sur la population, à toutes les échelles, du micro-local au national, et d’un double point de vue, matériel et intellectuel (Léonard Dauphant). Dans un espace intermédiaire campano-lorrain encore peu étudié sur le plan des pratiques successorales et matrimoniales, les modalités d’élaboration de la norme et leur mise en œuvre à l’intérieur de ressorts judiciaires extraordinairement morcelés intéressent particulièrement les élites. Les usages civils et criminels, expression de la diversité des options familiales et du degré d’emprise des pouvoirs judiciaires attachés aux seigneuries, opposent une forte et inégale inertie aux velléités centralisatrices de l’état ducal. On procèdera ici à une étude systématique de la pratique, en particulier dans les espaces de contact entre grandes coutumes et (ou) usages locaux, dans la longue durée (Jérôme Viret).

Les membres du projet

Dernières manifestations sur ce thème

Membres de l'axe