ANR ROTULUS

ANR ROTULUS "Les « cartulaires-rouleaux » et leur fonction au sein des réseaux monastiques (France, XIe-XVe siècles)"

Projet de recherche Jeunes Chercheuses-Jeunes Chercheurs mené à l’Université de Lorraine, 2019-2022 (appel à projet 2018 de l’Agence Nationale de la Recherche)

Voir ici le carnet de recherche du projet ROTULUS
 


Marché à procédure adaptée

Juin 2022

Appel pour prestation concernant la relecture de l'édition critique des cartulaires-rouleaux

Éléments pour devis 1

Éléments pour devis 2

Recommandations et normes


Un projet d’inventaire et d’édition multimodale des cartulaires-rouleaux

Les cartulaires-rouleaux : des documents méconnus

Le projet ROTULUS est la première entreprise consacrée spécifiquement à une interprétation des usages du cartulaire-rouleau dans la société médiévale. La rédaction de cartulaires (recueils rassemblant la transcription d’actes conservés par une institution ou une personne) a fait l’objet de recherches fécondes. Mais celles-ci ont trop rarement ciblé les recueils adoptant la forme rouleau (ensemble de feuilles de parchemin ou de papier assemblées bout à bout et destiné à être enroulé). De multiples biais ont fait du cartulaire-rouleau un genre documentaire imparfaitement répertorié et peu étudié (caractère hybride, atteintes à la forme originelle, manque de signalement dans les inventaires…). Des sondages réalisés par l’équipe ont permis d’ajouter environ 60 exemplaires à la soixantaine de cartulaires-rouleaux déjà répertoriés (base CartulR). Ces premiers résultats confirment la nécessité de procéder à un nouvel inventaire exhaustif des cartulaires-rouleaux conservés en France. Le premier objectif de ROTULUS est de parvenir à la constitution d’une base-inventaire des cartulaires-rouleaux. Cette base comportera pour chaque manuscrit repéré pour la période XIe-XVe siècles une fiche codicologique (soit 130 à 160 exemplaires estimés).

Voir ici l'aperçu bibliographique sur l'usage des rouleaux dans l'Occident Médiéval

Un projet novateur : éclairer des formes alternatives de compilation au Moyen Âge

Le rouleau est par essence un document qui invite à une performance alliant la manipulation à la lecture ou à une exhibition (souvent partielle). Il présente des inconvénients, un déroulement complet étant nécessaire si l’on souhaite lire un passage écrit à la fin. Si les médiévistes sont sensibles à la matérialité des documents et à leur rhétorique visuelle, surtout depuis les travaux de Peter Rück et de son équipe, on s’est encore trop peu interrogé, en France, sur les usages du rouleau en contexte documentaire et sur leurs implications pratiques. Dans la sphère documentaire, le recours au rouleau dans le royaume d’Angleterre pour enregistrer la comptabilité ou inscrire des statuts est bien connu. On peut compter sur quelques analyses comparables pour la France des XIIIe et XIVe siècles tandis qu’un projet de recherche mené à Heidelberg cible l’usage du rouleau par les administrations royales anglaise et française (dir. J. Peltzer). Deux récents colloques (Der Rotulus im Gebrauch. Einsatzmöglichkeiten, Gestaltungsvarianz und Aussagekraft einer Quellengattung, en sept. 2016, à Wuppertal et The Roll in Western Europe in the Late Middle Ages en sept. 2017, à Heidelberg), ont montré l’intérêt de confronter les différents types fonctionnels. L’articulation entre la forme et les fonctions des cartulaires-rouleaux aurait intérêt à être comparée, par exemple, à celle des rouleaux des morts destinés à circuler pour tisser des réseaux de prières entre monastères, ou à celle de certains rouleaux liturgiques ou des rouleaux présentant graphiquement des généalogies dès le XIIIe siècle, manuscrits à forte valeur identitaire.
Le fécond courant de recherches sur la rédaction de cartulaires développé dans les années 1990, s’inspirant des intuitions issues du Linguistic Turn et rejoignant certaines réflexions sur la Literacy de la société médiévale, a largement négligé le rouleau. Si les cartulaires sont le signe d’une conscience institutionnelle nouvelle pour les monastères, précocement sensibles au souci d’une bonne gestion des archives, les significations de ceux qui affectent la forme en rouleau, souvent de taille plus modeste et parfois de facture plus sommaire que les cartulaires en codex, sont méconnues. Le recours au cartulaire-rouleau pourrait être rapproché de la « prise de pouvoir monastique dans le domaine de l’écrit » (O. Guyotjeannin), les moines abordant la réception et la conservation des actes avec une grande souplesse à partir du XIe siècle. L’émergence d’outils nouveaux, tels que les rouleaux, aurait pu jouer un rôle dans les dynamiques d’organisation des réseaux monastiques, la nouvelle sensibilité des moines à l’écrit contribuant aux processus d’institutionnalisation comme l’ont montré les travaux de l’école de Münster et Dresde. De même, le rapport des monastères féminins à leurs archives et à l’institutionnalité, encore peu pris en compte dans l’approche de la culture de l’écrit des moniales, mérite d’être interrogé à partir des quelques rouleaux transmis. Le rouleau devra être comparé à d’autres pratiques alternatives de transcription, la pancarte, compilation réalisée sur une unique feuille de parchemin, ou la transcription d’actes dans des manuscrits « non diplomatiques », qui contrastent avec la monumentalisation de la documentation présentée par le cartulaire-codex. Le travail d’édition des cartulaires-rouleaux du monde monastique (les ¾ étant encore inédits), sera l’occasion de s’interroger sur leur place dans la chaîne documentaire (ont-ils parfois eu un rôle de compilation intermédiaire ?).

Un genre documentaire pour des usages spécifiques ?

Au cœur de notre questionnement se trouve l’articulation entre le choix d’une forme particulière et une ou plusieurs typologies fonctionnelles. L’examen des types de commanditaires des cartulaires-rouleaux permet d’avancer de premières hypothèses.
Les établissements monastiques se détachent nettement (deux tiers environ des rouleaux). Mais parmi eux, les cisterciens et les monastères féminins font plus rarement appel au rouleau. Ce contraste reflète-il des modes de gestion de l’écrit différents selon les types d’établissements ou faut-il plutôt le lier à la structure du domaine ? La moitié des rouleaux bénédictins, entre le milieu du XIe siècle et le milieu du XIIIe siècle, sont relatifs à des prieurés. Ce constat et d’autres indices permettent d’envisager l’hypothèse d’un recours au rouleau dans le cadre d’un besoin de circulation de l’écrit entre le centre et ses dépendances. En plein essor, le monachisme est alors au cœur des dynamiques sociales (rapports souvent privilégiés avec l’aristocratie, constitution d’un domaine, construction de pouvoirs seigneuriaux) et les monastères bénédictins masculins répondent au défi de la gestion du temporel par la mise en place de réseaux de prieurés. La structuration progressive des réseaux monastiques tels que Cluny, Marmoutier ou Saint-Victor de Marseille a pu, en effet, s’appuyer sur ces nouveaux outils de communication, faciles à réaliser, que sont les rouleaux. On comparera les usages au sein de chaque réseau et on tentera de voir si certains réseaux ont favorisé le recours à cet outil documentaire, notamment dans le cadre du processus d’intégration des dépendances. Ensuite, indépendamment des appartenances institutionnelles, on s’interrogera sur les logiques spatiales des pratiques : il s’agira d’interroger la possibilité de transferts à différentes échelles (éventuels rapports avec l’Angleterre, l’Espagne et l’Italie où la forme apparaît également), mais aussi l’existence éventuelle de communautés d’usages plus locales, qui pourraient expliquer l’ancrage régional du rouleau dans un large Midi de la France, en Val de Loire et en Normandie.
Il faudra préciser la chronologie du recours au rouleau et la confronter on la confrontera à celle de la valorisation des archives ecclésiastiques, qui émerge dans la seconde moitié du XIe siècle. La possibilité de rapports entre la genèse des cartulaires-rouleaux et la rédaction des premiers cartulaires en codex devra être interrogée. L’enquête ne négligera pas les contingences qui ont pu peser sur l’apparition du cartulaire-rouleau (une genèse en plusieurs lieux ? une imitation des autres usages du rouleau ? un déploiement formel nouveau pour les pancartes ?). Au milieu du XIIIe siècle, l’hybridation formelle qui le dote d’une valeur authentique (validation par le sceau ou les souscriptions de notaires) pourrait être due à de nouvelles vocations. À l’instar des expéditions notariées en rouleau, comprenant des inscriptions d’actes en primo-rédaction, le cartulaire-rouleau authentifié pouvait manifester sa validité par un impact visuel différent de celui des codices. Pourtant – manque d’adaptation ou fin d’une dynamique ? – le cartulaire-rouleau entame alors son déclin, tandis que cartulaires-codex ou comptes en rouleaux poursuivent leur essor dans le contexte de la « révolution de l’écrit ».

Un projet polyphonique et inséré dans un paysage en mouvement

Mené à l’Université de Lorraine, au sein du CRULH (EA 3945), le projet ROTULUS s’intègre au sein d’une tradition de travaux en diplomatique médiévale nourrie à Nancy depuis des décennies (Projets ORIGINAUX et TRANSSCRIPT notamment). L’équipe réunit autour du porteur du projet des chercheurs, universitaires et personnels de la conservation. Des spécialistes de domaines multiples (écrit diplomatique médiéval, réseaux monastiques et leur histoire institutionnelle…), dont les compétences se complètent, notamment pour les terrains géographiques dont ils sont familiers. Les personnels des institutions de conservation, outre leur apport à la recherche, apporteront leur expertise pour nourrir les problématiques liées au dépouillement et celles se rapportant au diagnostic des états de conservation des manuscrits.
Le projet sera soutenu par le Consortium Cosme (labellisé par le TGIR Huma-Num), dirigé par Paul Bertrand et consacré à la gestion des sources médiévales. Une interopérabilité est prévue avec la nouvelle base CartulR, à cette fin seront employés les référentiels produits dans le cadre de Cosme2 (indexation onomastique notamment). Les éditions critiques des cartulaires-rouleaux monastiques utiliseront le langage XML-TEI, très souple et pérenne, grâce à l’environnement d’e-cartae, développé à l’Université de Caen, par Grégory Combalbert. Parallèlement, des éditions papier formeront un recueil de trois volumes. ROTULUS sera mené en parallèle au projet MECA (mené dans la suite du projet éponyme du quinquennal de l’EFR), qui vise à recenser, dans le cadre de la base CartulR, les cartulaires manuscrits européens (France, Belgique, Italie, Espagne) et à les étudier.

Apports, extensions et retombées du projet

Le projet aura un impact scientifique relatif à la connaissance de pratiques innovantes de communication dans les sociétés médiévales (création et diffusion d’un type documentaire, transformations et déclin). Les modalités d’intégration des institutions aux réseaux en cours de constitution seront réévaluées en déterminant comment un outil de communication nouveau aurait pu répondre à des défis institutionnels.
Le projet aura un apport méthodologique en acclimatant les méthodes croisées de la codicologie et de la diplomatique aux spécificités du rouleau. Les notices descriptives comporteront un signalement matériel conjuguant des éléments propres au rouleau (nombre de peaux, nature de l’assemblage, opisthographie, agencement des blocs textuels en fonction de l’ajout des peaux, annotations dorsales…) à ceux qu’il peut partager avec les codices (mise en page de la feuille, nombre d’unités documentaires transcrites, repères visuels, aides internes à la lecture : tables, rubriques…). Ce travail d’inventaire permettra donc d’évaluer les implications matérielles du choix du rouleau par rapport au codex. L’étude des caractéristiques de la transcription (fidélité textuelle, efforts de représentation graphique, tendance à l’abrègement…) et la reconstitution de la tradition documentaire, menées pour l’édition de la soixantaine de rouleaux monastiques permettront de préciser le rôle des rouleaux par rapport aux autres recueils. Ce comparatisme s’exercera, par ailleurs, en intégrant ROTULUS à des recherches en cours au niveau européen.
Le projet aura un impact sur l’heuristique et la conservation de tout un pan du patrimoine écrit médiéval. L’expertise nouvelle apportée sur la conservation des rouleaux (conditionnement, annotation, étiquetage…) et sur les transformations qu’ils ont pu subir (pliages, découpages en plusieurs petits rouleaux ou feuilles, démontage pour une reliure en codex…) précédera dans certains cas une reconstitution virtuelle des rouleaux actuellement démontés ainsi que du texte des rouleaux monastiques perdus. Ce travail permettra une revalorisation archivistique de ce type de manuscrit souvent délaissé ou mal conditionné.
Le projet souhaite avoir un impact patrimonial en direction du public. Une exposition mobile sur les usages du rouleau dans la communication médiévale sera réalisée. Des contacts avec les institutions de conservations, permettront de lancer des opérations de diffusion des recherches sous la forme de vidéos ciblant des usages locaux du rouleau, la conservation ou les techniques de restauration. L’exposition mobile sera prévue pour une association éventuelle avec les institutions de conservations qui souhaiteraient, en collaboration, présenter une sélection de documents.

 

Coordination du projet

Jean-Baptiste RENAULT, Ingénieur d'Études, CRULH - Univ. Lorraine

Comité scientifique

Sébastien BARRET (CR CNRS-IRHT), Paul BERTRAND (PR Univ. Catholique de Louvain), Miguel CALLEJA-PUERTA (PR Univ. Oviedo), Véronique GAZEAU (PR Univ. Caen), Laurent MORELLE (directeur d’études EPHE), Benoît-Michel TOCK (PR Univ. Strasbourg), Nicholas VINCENT (Professor, Univ. of East Anglia).

Équipe

Léonard DAUPHANT (MCF CRULH - Univ. Lorraine),

Philippe DEMONTY (expert près la Commission Royale d’Histoire de Belgique),

Hubert FLAMMARION (membre associé du CRULH – Univ. Lorraine),

Sébastien FRAY (MCF Univ. Saint-Étienne),

Maria HILLEBRANDT (Dr Univ. Münster),

Marlène HELIAS-BARON (IR IRHT-CNRS),

Claire LAMY (MCF Univ. Paris-Sorbonne),

Paul-Henri LECUYER (Archives départementales du Maine-et-Loire),

Anne MASSONI (PR Univ. Limoges)

Elodie PAPIN (IE CRULH - Univ. Lorraine),

Thomas ROCHE (directeur des Archives départementales de l’Eure),

Chantal SENSEBY (MCF HDR Univ. Orléans),

Cécile TREFFORT (PR Univ. Poitiers),

Laura VIAUT (MCF Univ. Paris 1 Panthéon Sorbonne).

 

Contact : jean-baptiste.renault [at] univ-lorraine.fr (jean-baptiste[dot]renault[at]univ-lorraine[dot]fr)

 

Manifestations prévues

- "Codices et rotuli : les cartulaires en Aquitaine", Journée d'études organisée dans le cadre du programme régional Aquitania Monastica, en collaboration avec le programme ANR ROTULUS, Poitiers, 9 mai 2019.
- Atelier ROTULUS, Les cartulaires-rouleaux : définition et contours d'un genre documentaire, Poitiers, 10 mai 2019.
- Journées d'études Diversité des cartulaires-rouleaux : approches matérielle et diplomatique d'un genre documentaire, Angers, 14 et 15 novembre 2019.
- Colloque "Fonctions des cartulaires-rouleaux : approches sociales et contextuelles d'un genre documentaire", Metz, le 25 et 26 mars 2021.
- Atelier "Actes brefs ou abrégés dans les cartulaires-rouleaux", Nancy, 6 octobre 2021.
-  Journée conclusive "Les cartulaires-rouleaux au crible de la codicologie et de l'ecdotique. Nouvelles données, nouvelles perspectives" : https://rotulus.hypotheses.org/489

Exposition "ROTULUS, un patrimoine médiéval à dérouler"

- Nancy, BU Lettres et SHS (hall du 1er étage) du 2 novembre au 16 décembre, https://ultv.univ-lorraine.fr/video/13682-expo-rotulus-un-patrimoine-me…https://rotulus.hypotheses.org/516
- Evreux, Archives départementales de l'Eure, novembre-décembre 2022.

 

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